ANALYSES

La gouvernance d’Internet doit être du ressort de l’ONU

Tribune
27 juin 2014
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Choquée, comme une partie de l’opinion mondiale, par la révélation, faite en 2013 par Edward Snowden, de la surveillance massive par la NSA ( National Security Agency des Etats-Unis) d’Internet et en particulier des communications privées échangées sur le web, Dilma Rousseff a appelé, en organisant cette réunion, à repenser la gouvernance mondiale d’Internet.

Le NETmundial, co-organisé par 12 pays dont, outre le Brésil, la France et les Etats-Unis, a rassemblé plus de 900 participants, représentant plus de 80 gouvernements mais aussi le secteur privé, le monde académique, la société civile et des institutions techniques, donc des acteurs aux intérêts très divers. Il a condamné l’espionnage sur Internet et appelé à une nouvelle gouvernance d’Internet, par une approche « multiacteurs ».

Quelques mois auparavant, en septembre 2013, Dilma Rousseff avait plaidé devant l’Assemblée générale des Nations unies pour un contrôle multilatéral de l’utilisation d’Internet ; elle y avait critiqué les Etats-Unis pour leur non-respect de la vie privée des internautes. Sous son impulsion, l’Assemblée générale a adopté une résolution affirmant que le respect de la vie privée des internautes est un droit humain fondamental.

La contestation montant, les Etats-Unis ont accepté, déjà depuis 2013 de réviser le statut de l’ICANN, pour le rendre plus indépendant, ce qui correspond à un vœu de l’ICANN lui-même.

Le sommet NETmundial, qui a abouti à un consensus, apparaît comme une première étape vers la mise en place d’une nouvelle gouvernance d’Internet. Il s’inscrit dans la continuité du dernier sommet de l’ONU sur la gouvernance d’Internet, organisé en décembre 2012 à Dubaï par l’Union internationale des télécommunications (UIT), agence onusienne. Ce sommet a marqué une évolution dans le rapport de force mondial concernant Internet : il a vu la cristallisation de l’opposition entre les Etats-Unis d’un côté, désireux de garder le contrôle sur Internet, et certains pays émergents de l’autre, comme la Russie, la Chine et les Emirats arabes, désireux de contrôler Internet au niveau national, et ainsi d’être libres d’éventuellement le censurer. Le nouveau règlement des télécommunications internationales a été signé, à la fin de ce sommet, par 89 pays, 55 pays dont les principaux occidentaux refusant de le voter, estimant qu’il permet la censure d’Internet par des pays non démocratiques. Les médias occidentaux ont alors présenté ce sommet de manière manichéenne comme l’opposition des régimes autoritaires censurant Internet et des démocraties. L’UIT est critiquée par les pays occidentaux, qui dénoncent son manque de transparence et sa dépendance historique à des monopoles d’Etat sur les télécoms. En revanche l’UIT est soutenue par la Russie, qui y mène une politique d’influence.

Pour dépasser le double écueil d’un contrôle économique d’Internet par les firmes américaines ainsi que d’une surveillance généralisée du web par le gouvernement américain d’un côté, et d’une censure d’Internet par les régimes autoritaires (Chine, Turquie…) de l’autre, quelle solution émerge ? Ce serait de confier la gouvernance d’Internet à l’ONU, instance universelle la plus légitime car la plus démocratique à ce jour. C’est ce que prône le Brésil, qui appelle à accroître les pouvoirs d’organismes dépendant des Nations unies comme le Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI).

Or, ce n’est pas vraiment la voie vers laquelle on se dirige à présent : les Etats-Unis font tout pour garder le contrôle sur Internet via sa privatisation et pour éviter que la gouvernance d’Internet soit confiée à l’ONU.

L’ONU, qui seule peut apporter ce caractère démocratique à la gouvernance d’Internet, devrait s’attacher à plusieurs tâches :
– gérer l’architecture de l’Internet ;
– résorber la fracture numérique (aujourd’hui seule 1/3 de la population mondiale a accès au web)
– interdire la censure d’Internet
– interdire la surveillance d’Internet à des fins politiques ou commerciales.

Face aussi bien aux Etats-Unis, qui sont en train de construire le plus grand centre de cybersurveillance du monde sur leur sol, qu’aux pays autoritaires comme la Chine, l’Iran ou la Turquie, qui censurent la Toile, il est urgent d’instaurer une gouvernance véritablement démocratique d’Internet.
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