06.11.2024
« Afrique, réveille-toi ! »
Tribune
27 mai 2014
La France, fossoyeur de l’Architecture africaine de paix et de sécurité ?
Le sommet de la paix et de la sécurité à Paris les 6 et 7 décembre 2013 avait fait grincer des dents de bon nombre d’Etats africains. Certains se sont sentis plutôt convoqués qu’invités. L’enlèvement de plus de 200 jeunes filles au Nigéria a donné lieu à une nouvelle initiative française avec le mini-sommet parisien du 17 mai dernier. François Hollande, chef de guerre, recevait les cinq chefs d’Etats du Nigéria, du Bénin, du Cameroun, du Tchad et du Niger. On a pu remarquer, notamment, l’absence de l’Union africaine et de la CEDEAO. Et pourtant, la France vante les mérites de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) et de son bras armé la Force africaine en attente (FAA) qui devrait être opérationnelle en 2015. Cette AAPS repose sur l’africanisation ou l’appropriation par les Africains des mécanismes de paix et de sécurité ainsi que la mise en place de moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. On semble revenu quelques années en arrière où les réactions aux événements d’Afrique de l’ouest et centrale se décident à Paris et non plus à Addis Abäba. Il n’est pas sûr que nous sortions grandi de ce type d’action aux yeux de l’ensemble des Etats africains et notre capacité d’influence et de positionnement sur le continent risque d’en subir les conséquences à court terme.
L’Union africaine, combien de divisions ?
Le livre de Jean Ping (2) a le mérite de souligner le dysfonctionnement des organes de l’Union africaine (UA) et leur faible efficacité. Les crises malienne, centrafricaine et déjà nigériane ne font que renforcer la nécessité de remettre à plat leur rôle principalement en matière de paix et de sécurité. La Commission de l’Union africaine (et sa commission de paix et de sécurité) et le Conseil de paix et de sécurité (CPS) doivent tirer les enseignements des crises actuelles en Afrique et leur inefficacité dans leur résolution. L’Afrique accueille 75 % des troupes onusiennes déployées dans le monde. Les quelques succès de la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) sont dus aux implications « nationales » de l’Ethiopie et du Kenya. La mission hybride ONU/UA au Darfour n’est en fait qu’une mission onusienne ! Affaiblis par un manque de moyens financiers et militaires, l’UA n’a que peu d’ambition africaine. Déléguer des missions à l’Union africaine ou à une de ses organisations économiques régionales, au titre du chapitre 8 de la charte des Nations Unies semble aujourd’hui imprudent. N’y aurait-il pas meilleur compte à laisser l’ONU réaliser ces missions tout en profitant des contingents africains volontaires pour participer à la paix et la sécurité du continent ? Beaucoup d’énergie (africaine) et de financements (extérieurs) ont été dépensés pour mettre sur pied l’AAPS, or on peine à en voir les résultats. Et pourtant les crises se succèdent !
(1) Le siège de l’UA a été offert par la Chine.
(2) « Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ?». Jean Ping est l’ancien Président de la Commission de l’Union africaine (2008-2012).