06.11.2024
L’Union africaine, la Corne de l’Afrique et l’Ethiopie
Tribune
4 février 2014
La relation France-Ethiopie prend-elle une nouvelle forme ?
Le Premier ministre éthiopien Hailé Maryam Dessalegn a effectué une visite en France en avril 2013. Il en avait profité pour inviter le Président français au Sommet du cinquantenaire de l’Union africaine (été 2013) dont il assurait la présidence. Dans la continuité des échanges diplomatiques, la ministre française du commerce, Nicole Bricq, s’est déplacée en Ethiopie du 18 au 20 décembre 2013, accompagnée de quelques dirigeants d’entreprises. Il était temps que la France s’ouvre à l’Afrique non francophone et notamment à un des poids lourds du continent… Les besoins de ce pays en développement et sa croissance suffisent à eux-mêmes pour que nos entreprises l’envisagent comme un marché d’avenir. Deux exemples peuvent déjà l’assurer. C’est une entreprise française (1) qui vient d’installer le plus grand champ d’éoliennes sur le continent africain dans la province du Tegray au nord du pays. Il fournira une puissance électrique de 120 MW et viendra compléter la production liée aux barrages actuels et à ceux en construction. L’arrivée sur le marché intérieur, mais aussi à l’exportation, des premières bouteilles de vin éthiopien devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. C’est l’entreprise française Castel qui a apporté son savoir-faire dans ce domaine.
Il reste des dossiers importants sur le plan national et régional pour l’Ethiopie.
Comme l’Arabie saoudite l’avait annoncé il y a plusieurs mois, elle a mis fin à la présence sur son territoire de migrants illégaux. Suite à des incidents ayant entrainé la mort de trois Ethiopiens, le gouvernement éthiopien a décidé de mobiliser sa compagnie aérienne, Ethiopian Airlines , en collaboration avec Saudi Airlines , pour rapatrier ses ressortissants. A ce jour plus de 150.000 personnes ont été rapatriées !
La construction du grand barrage de la Renaissance en Ethiopie est au centre d’une polémique avec l’Egypte. On se rappelle que le Président Morsi, quelques jours avant son éviction, n’avait pas hésité à promettre des attentats, de fournir un appui aux mouvements d’opposition si l’Ethiopie persistait dans sa volonté de le construire. Cette attitude peu respectueuse de la diplomatie et des relations internationales a sûrement pesé lourd dans la décision des militaires égyptiens de le destituer. Les négociations et discussions sur ce barrage auxquelles participent le Soudan, l’Egypte et l’Ethiopie ont repris et semblent se réaliser dans la transparence et la coopération.
Suite au conflit interne au Soudan du Sud, l’IGAD (2) et l’Ethiopie ont mené les discussions entre le président Salva Kirr et l’ex vice-président Riek Machar à Addis Abäba. Seyoum Mesfin, ambassadeur d’Ethiopie en Chine depuis 2010 et ancien ministre des Affaires étrangères, a apporté sa connaissance du terrain et des acteurs pour trouver une solution à ce conflit. Des accords de cessez-le-feu et sur le statut des prisonniers, bien que très fragiles, ont été signés.
L’Ethiopie demeure le poids lourd de la région et affiche sans ambiguïté sa politique étrangère.
Mais la paix et la sécurité sont-elles, une fois encore, menacées dans la Corne de l’Afrique ?
En ce début d’année, l’avenir de la Corne de l’Afrique semble une fois de plus s’assombrir. Les événements du Soudan du Sud et de Somalie n’engagent pas à l’optimisme. Le Soudan du Sud, fraichement indépendant (3), voit le président et l’ex-vice-président (4) s’opposer pour l’accès au pouvoir en instrumentalisant les deux ethnies majoritaires du pays. Les Shabaab continuent leur lutte contre le pouvoir en place à Mogadiscio à grand renfort d’attentats. L’ONU et l’UA vont donc augmenter les effectifs de leurs missions de maintien ou de soutien à la paix (5). 5.000 hommes devraient renforcer chacune des deux missions (6). Mais celles-ci doivent s’accompagner de moyens pour imposer la paix. Il est temps pour l’Union africaine d’envisager de projeter rapidement dans les deux Etats sa capacité de réaction rapide (CARIC (7)) et l’ Eastern African stand-by Force (8). La validation sur le terrain accélèrera la montée en puissance de ces deux éléments de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.
L’intervention des Kenyans et des Ethiopiens en Somalie, des Ougandais au Soudan du Sud souligne d’ores et déjà les limites de l’architecture africaine de paix et de sécurité et des forces africaines en attente. Elle souffre des mêmes maux que son homologue de l’Union européenne. Utile pour les opérations de basse intensité mais inefficace dès lors qu’une opération majeure est nécessaire (9). Les intérêts nationaux priment alors et comme la France l’a fait au Mali ou en République centrafricaine, une nation-cadre émerge et mène l’intervention !
L’Union africaine a encore montré cette année qu’elle ne maitrisait absolument pas la paix et la sécurité sur le continent. Malgré la grande messe parisienne du 6 et 7 décembre 2013 et son lot de bonnes résolutions, la Corne de l’Afrique reste encore l’espace le plus conflictuel en Afrique et demeure la région où les missions des Nations Unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne s’accumulent sans que l’on ait l’impression que les résultats soient au rendez-vous.
(1) L’entreprise Vernet.
(2) Autorité intergouvernementale pour le développement que l’on peut assimiler à la Corne de l’Afrique.
(3) 9 juillet 2011.
(4) Il a été limogé en novembre 2013.
(5) La mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) et la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).
(6) Les troupes éthiopiennes présentes en Somalie vont intégrer l’AMISOM.
(7) CARIC : capacité africaine de réponse immédiate aux crises.
(8) Force en attente de l’Afrique de l’Est.
(9) La Libye, le Mali et la République centrafricaine ont bien montré en moins de trois ans, la frilosité des Européens en Afrique. La décision d’envoyer 500 hommes en RCA et pas avant la fin février, montre bien le peu d’envergure de l’Union européenne.