21.11.2024
Le Mexique entre rébellion et émergence. Il y a vingt ans l’Alena et le sous-commandant Marcos
Tribune
28 janvier 2014
Il est vrai et c’est l’autre face de ce pays Janus, que l’ALENA profite à d’autres. Si Monterrey souffre, l’Etat voisin de Queretaro croît. Plus tranquille, il capte les investisseurs étrangers cherchant à s’installer à bon compte aux portes des Etats-Unis. L’ALENA a en effet apporté la stabilité financière et bonifié, pour les investisseurs, le différentiel salarial et social. L’industrie locale tirée vers le Nord et bien souvent sous-traitante a bel et bien créé des emplois de type nouveau. Danone, EADS, Hutchison Wampoa, KYB, Nivea, Pirelli, ont choisi le Mexique ces dernières années. L’homme le plus riche du monde, Carlos Slim, est mexicain. Il a ces dernières années porté les symboles et les contradictions du pays. Propriétaire d’un puissant conglomérat construit sur la communication et la téléphonie mobile, il investit à son tour loin du Mexique, aux Etats-Unis mais aussi en Europe. D’autres géants, initialement locaux, ont accompagné le mouvement, Bimbo dans l’agro-alimentaire, Cemex le cimentier, Pemex le pétrolier, et Televisa dans l’audiovisuel. Le Mexique y a gagné des points de croissance qui en ont fait la deuxième puissance économique d’Amérique latine et la quatorzième du monde. Il a été accepté dans le club des pays développés, l’OCDE en 1994. L’un des siens, Angel Gurria, en est le secrétaire général. Il est devenu membre du Forum des économies du Pacifique, l’APEC. Il a fait son entrée dans le G-20 en 2008. La Chine et c’est un signe qui ne trompe pas a intégré le Mexique dans ses réseaux. Bien que loin derrière les Etats-Unis, elle en est aujourd’hui le deuxième partenaire. Douze traités de libre échange ont dans la foulée été signés par le Mexique en particulier avec les Etats-Unis, l’Union européenne, et le Japon. La liste des prétendants en ce début d’année 2014 est éloquente. Dans le carnet de bal des autorités mexicaines, on trouve Enrico Letta, président du gouvernement italien, Barak Obama, Stephen Harper, premier ministre du Canada, François Hollande, Goodluck Jonathan, président du Nigéria, Shinzo Abe, premier ministre japonais et Dilma Rousseff, chef de l’Etat brésilien.
Conscient de cette attractivité nouvelle le Mexique a posé depuis l’entrée en fonction du président Enrique Peña Nieto le 1er décembre 2012, les marques d’une insolite affirmation nationale. Suivant ainsi la voie tracée par Lula au Brésil en janvier 2003, le Mexique revendique à son tour une place d’acteur international global responsable. Il le fait en restaurant la doctrine Estrada oubliée sous les administrations antérieures du parti d’Action Nationale. Il s’agit pour le Mexique de défendre viscéralement le respect des souverainetés, et la non-ingérence tout en confirmant l’option économique en faveur du libre-échange. C’est ainsi qu’il a en 2012 initié une coalition libre échangiste latino-américaine, l’Alliance du Pacifique. Et que son président a effectué 16 déplacements internationaux en 2013. Il a par ailleurs reçu ses homologues états-unien et chinois. Il a rétabli les relations avec Cuba, la France et le Venezuela, hier compromises. Il a participé avec l’Australie, la Corée du sud, l’Indonésie, la Turquie, à la constitution d’un groupe d’intérêts réunissant diverses puissances moyennes émergentes, le MIKTA. Le Mexique s’apprête en 2014 à élargir son périmètre diplomatique aux pays du Golfe et à l’Afrique, où il ouvre deux ambassades, l’une au Ghana et l’autre au Nigéria. Le Mexique a le 15 janvier 2014, annoncé une initiative visant à l’abolition de la peine de mort en Amérique. Il effectue de façon continue des démarches auprès des Etats-Unis visant à empêcher l’exécution de Mexicains condamnés à la peine capitale. Il s’est associé à l’initiative de l’Allemagne et du Brésil, prise en riposte aux activités de services nord-américains, destinée à mettre un terme à l’espionnage des communications. Le Mexique participe à la Conférence de Montreux, dite de Genève II, sur la situation en Syrie, le 22 janvier 2014. Il se prépare à recevoir en 2015, une conférence économique Amérique latine-Chine.
De grandes réformes intérieures fiscales, énergétiques, sociales, sécuritaire ont été lancées par le nouveau président, Enrique Peña Nieto, pour conforter ces ambitions économique et diplomatique extérieures. Tout en reposant sur la nécessité de renforcer l’Etat et réduire les inégalités, elles font le pari des libertés économiques. Un pari qui a suscité doutes et résistances intérieures, mais aussi la préoccupation des voisins latino-américains.
(1) « Sin nombre », film de Cary Joji Fukunaga (2009) ; « La Bestia », documentaire de Pedro Utreras (2010) ; « La jaula de oro », production cinématographique de Diego Quemada-Ruiz (2012)
(2) In Jorge Castañeda, NAFTA’s Mixed Record, Foreign Affairs, vol. 93, janvier-février 2014