ANALYSES

La réforme de l’Armée populaire de libération, symbole des luttes de pouvoir internes en Chine

Tribune
22 janvier 2014
Les remous autour de réformes de l’Armée populaire de libération sont particulièrement révélateurs de ces luttes. Selon certaines rumeurs, largement relayées par différents médias et surtout par les très importants réseaux sociaux chinois, une vaste réorganisation serait en cours. Depuis sa création, l’APL est formée autour des forces terrestres, les forces navales et aériennes étant subordonnées, aussi bien au sein de l’état-major central que dans les régions. La réforme annoncée conduirait à une nouvelle réduction du nombre des régions militaires (13 en 1948, 11 en 1969, 7 en 1987), qui ne seraient plus que 5. On assisterait à une fusion de trois des régions militaires côtières (Jinan, Nankin et Canton), qui prendraient alors en compte l’ensemble du théâtre maritime (Mer Jaune, Mer de Chine de l’Est et Mer de Chine du Sud). Mais, surtout, les divers commandements d’armées existants dans ces régions seraient remplacés par un commandement interarmées unifié. On assisterait d’ailleurs aussi à la création du même type de commandement dans les autres régions (Shenyang, Pékin, Lanzhou et Chengdu).

Cette réorganisation obéit à de vraies raisons opérationnelles. Tout d’abord, ne serait-ce que pour des raisons techniques, l’interarmisation est une tendance naturelle et incontournable dans toutes les grandes armées. L’environnement stratégique de la Chine a aussi changé. La principale menace, mais aussi la seule vraie volonté actuelle d’expansion de Pékin se trouve dans l’espace maritime situé à l’Est et au Sud. Dans cette zone, la Chine affiche une volonté défensive qui se traduit par une stratégie d’interdiction ‘Anti Access/Area Denial’. Elle a aussi sur le même espace une volonté offensive, niée mais réelle. Les deux ne se conçoivent pas autrement qu’au travers d’opérations navales et aériennes combinées, dans lesquelles les forces terrestres n’interviendraient que de manière limitée.

Ces changements sont l’aboutissement logique d’une évolution commencée depuis les dernières années du XXème siècle, qui ont vu l’essentiel de l’effort de défense chinois porter sur le combat à la mer. Cela se traduit par la priorité absolue donnée à la création d’une marine moderne et à l’acquisition de moyens (avions et missiles russes) de lutte contre les porte-avions. Ceux-ci demeurent d’ailleurs, depuis la fin de la Guerre de Corée, la principale menace perçue. Une réforme aussi importante suppose des mutations complètes des stratégies, des doctrines, des structures et des équipements. Mais elle implique aussi que l’APL devienne une force vraiment professionnelle, une Armée d’Etat, délivrée des doctrines de ‘Guerre populaire’ mises en place depuis les années de la Longue Marche. Ce qui veut dire qu’elle devrait couper les liens très forts qui l’unissent au Parti. L’abandon de la dualité de direction Etat/Parti qui était le quotidien des officiers chinois depuis des décennies est aussi un vrai problème. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les rumeurs annonçant ces réformes ont été démenties par diverses sources, ce qui montre bien les oppositions qu’elles suscitent.
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