ANALYSES

Syrie-Russie : accord sur l’exploration pétrolière offshore

Tribune
10 janvier 2014
La compagnie SoyuzNefteGaz, signataire de l’accord, est une société russe peu connue et non cotée, filiale de la Banque centrale de Russie et présidée par Youri Shafranik, ancien ministre de l’Energie de la Fédération de Russie (1993-1996). SoyuzNefteGaz – créée en 2000 – et déjà présente dans l’exploration pétrolière en Syrie depuis 2004.

L’attribution de ce permis d’exploration dans les eaux territoriales de la Syrie s’inscrit dans une dynamique de développement qui couvre l’ensemble de la Méditerranée orientale, actuellement considérée comme l’une des régions les plus prometteuses pour l’industrie pétrolière mondiale.
La découverte de réserves de gaz naturel au large d’Israël à partir de 1999 a marqué le développement d’une nouvelle zone d’exploitation offshore d’hydrocarbures, dénommée Bassin du Levant. Cette zone abriterait – selon une étude de 2010 de l’US Geological Survey – des réserves récupérables de l’ordre de 3 500 milliards de m3 de gaz naturel et de 1,7 milliard de barils de pétrole.(1)
Ces dernières années ont été caractérisées par de nombreuses découvertes significatives dans l’offshore d’Israël (champs de Tamar en 2009 et Leviathan en 2010) et dans l’offshore au sud de Chypre (champ Aphrodite en 2011). Il faut toutefois souligner que la vaste majorité de ces découvertes concerne le gaz naturel, les quantités de pétrole découvertes étant pour le moment minimes.
Au vu des succès rencontrés en Israël et à Chypre, d’autres pays de la région font aussi preuve de dynamisme. La Turquie a ainsi démarré des campagnes d’exploration (dans les zones offshore d’Antalya, du bassin d’Iskenderun et dans les eaux de la République turque de Chypre-Nord). Le Liban s’est pour sa part doté d’une loi sur l’exploitation des ressources pétrolières et un appel d’offre est en cours, dont les premiers résultats sont attendus en 2014.

Il est donc logique que l’attention se porte aussi sur le potentiel de l’offshore de la Syrie et que le gouvernement de Damas essaye de valoriser ses possibles atouts, nonobstant la situation de guerre civile que connaît le pays.
Notons par ailleurs que la Syrie est un pays avec une histoire pétrolière relativement ancienne (la production date des années 1960) et que les principaux champs se trouvent dans les régions de l’Est, près de la frontière avec l’Irak. Suite à la guerre civile et aux sanctions internationales, la production a très fortement chuté. Au cours du premier semestre 2013, elle est tombée à 39 000 barils par jour (b/j), alors qu’elle était de 380 000 b/j avant la mi-mars 2011, selon des chiffres officiels. Parallèlement, la production de gaz a chuté à 16,7 millions de m3 par jour, contre 30 millions avant la crise en 2011, toujours selon des chiffres officiels.

La signature de cet accord appelle trois remarques :
1/ la volonté du gouvernement syrien – à travers le ministère du Pétrole et la société nationale General Petroleum Company – de donner une apparence de business as usual, de poursuite de son activité malgré la guerre civile ;
2/ le soutien que la Russie continue d’apporter au régime d’Assad. L’accord a d’ailleurs été signé en présence de l’Ambassadeur russe à Damas Azamat Kulmuhametov qui, selon la Syrian Arab News Agency, l’a qualifié de « preuve des bonnes relations que nous maintenons » ;
3/ la faible crédibilité de la société SoyuzNefteGaz, qui n’a pas d’expérience d’exploitation de gisements offshore et qui ne fait pas partie du groupe des grandes compagnies pétro-gazières russes, composé par les sociétés privées Lukoil et Novatek, et par Gazprom ou Rosneft qui sont sous le contrôle du Kremlin.

Ainsi, les dimensions économiques et énergétiques de cet accord apparaissent peu significatives. L’engagement financier de SoyuzNefteGaz à hauteur de 90 millions de dollars est assez modeste et même si l’activité d’exploration devait être fructueuse (ce qui n’est jamais certain dans le domaine pétrolier), l’éventuelle production d’hydrocarbures ne sera pas effective avant plusieurs années. De même, si l’accord avait été signé avec un grand acteur russe (par exemple Gazprom, qui est déjà présent dans la Méditerranée orientale, notamment via une Lettre d’Intention signée en 2012 pour l’exportation par méthanier du gaz du champ de Tamar en Israël), son impact aurait été bien plus fort.

A moins d’un mois du début de la conférence Genève 2 prévue le 22 janvier 2014, il est évident que la valence politique de cet accord prime sur sa signification économique et énergétique et qu’il s’agit essentiellement d’une action de communication politique de la part du gouvernement de Damas.

(1) « Assessment of Undiscovered Oil and Gas Resources of the Levant Basin Province, Eastern Mediterranean », USGS study, March 2010.
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