06.11.2024
Les enjeux du 26e sommet Afrique-France : entre paix, sécurité et émergence en Afrique
Tribune
5 décembre 2013
Les enjeux de ce sommet Afrique-France (2),des 6 et 7 décembre, semblent donc hautement décisifs pour les acteurs en coopération. Les deux acteurs ont mutuellement besoin l’un de l’autre. La France, partenaire traditionnel de l’Afrique dans les relations internationales ne souhaite pas jouer un rôle marginal dans cette compétition internationale. Sa récente intervention au Mali, son positionnement en Côte d’Ivoire, le soutien apporté au régime tchadien en 2008 ou encore la récente obtention d’un consensus dans la perspective d’un soutien militaire onusien en Centrafrique, bien que diversement appréciés en Afrique, lui offrent néanmoins une fenêtre d’opportunité politique et une capacité d’action stratégique qui lui permettent de confirmer son rôle d’interface crédible entre l’Afrique et les institutions multilatérales notamment l’ONU. Fort de ces acquis, elle pourrait donc jouer un rôle de premier plan auprès de ses partenaires aux niveaux européen, mondial et même africain non seulement pour aider l’Afrique à sortir de son marasme, mais aussi pour consolider la sécurité européenne et internationale.
Mais la France a-t-elle les moyens de ses ambitions dans une Afrique en pleine mutation géopolitique et au centre de problématiques éminemment complexes? Nombre d’observateurs pensent que l’Afrique est le continent de l’avenir, par ses richesses inexploitées et sa population particulièrement jeune dans un contexte de vieillissement de la population mondiale à l’horizon 2030. Si cette thèse semble crédible aux yeux de beaucoup de commentateurs, elle mérite tout de même d’être prise en compte avec beaucoup de prudence et de précaution. Le continent africain reste et demeure de loin le continent le plus pauvre de la planète, l’espace géographique qui a connu le plus grand nombre de conflits et où les prévisions en termes de croissance de la population certes positives se situent aux antipodes du rythme de création d’emplois et des capacités sociales d’accueil des flux démographiques à venir. Face à la profondeur et la complexité de ces défis, la France seule n’a pas les moyens de conserver son influence ni en Afrique, ni en Europe, ni dans les enceintes multilatérales. Elle devra pour conserver son poids politique en Afrique opérer, en collaboration avec ses partenaires africains, des arbitrages utiles au développement des secteurs les plus nécessiteux.
Paix et sécurité en Afrique : des avancées politico-institutionnelles non négligeables
L’Afrique est certes le continent le plus instable au monde, mais considérer aujourd’hui avec exagération l’ensemble des Etats de l’Afrique comme théâtre de conflits et d’insécurité est un discours incontestablement réducteur et simpliste. L’intensité et le nombre de crises africaines dans les années 1960-1970 et dans la décennie 1990-2000 ne sont absolument pas les mêmes en 2013. Une telle lecture vise à démontrer qu’en réalité rien n’a été fait pour réduire les conflits et les crises africains, mais également de nier l’évolution des processus de paix dans le continent. Or plusieurs instruments et dispositifs institutionnels, opérationnels et financiers ont été mis en œuvre, par les Africains, pour prévenir, gérer les conflits et consolider la paix sur leur continent. Citons à ce propos : l’adoption du Mécanisme de prévention, gestion des conflits au sein de la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1993, la transformation de l’OUA, plus orientée vers la lutte contre le colonialisme, la quête de l’unité politique et économique du continent, en une Union africaine (UA) dans les années 2000, orientée cette fois vers l’accélération du processus d’intégration avec au centre des préoccupations la défense, la paix et la sécurité, ce qui conduit à la mise en place du Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Une nouvelle stratégie est définie à cet effet. Elle consiste à décentraliser le processus d’intégration en accordant plus d’importance aux pôles régionaux et sous-régionaux de sécurité (CEDEAO, SADC, CEEAC…) dans la perspective de l’Architecture africaine de paix et de sécurité.
Si les initiatives africaines connaissent des échecs ou manquent de visibilité, la France comme d’autres partenaires de l’Afrique ayant pointé la faiblesse opérationnelle des forces de sécurité, des armées africaines et l’absence d’une approche globale dans la résolution des conflits, apportent à l’Afrique un soutien logistique, financier et humain dans le cadre d’opérations de maintien ou de consolidation de la paix décidées soit dans le cadre des accords bilatéraux, soit au sein de l’ONU. C’est d’ailleurs dans cette perspective, ayant constaté l’incapacité manifeste des troupes africaines à participer aux opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies en Afrique, que la France a lancé un nouveau concept de coopération militaire baptisé « RECAMP » (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Concept adopté au Sommet Afrique-France du Louvre en 1998 et qui se décline en multiples programmes de formations et de coopération militaire sur les plans logistiques, financiers et d’assistance technique.
Mais les soutiens logistique, financier et opérationnel destinés aux opérations de maintien de la paix et surtout de reconstruction post-conflit, sans une rigoureuse planification stratégique, ont un impact social dramatique et un coup économique exorbitant pour des pays qui expérimentent depuis des décennies une pauvreté jamais observée nulle part ailleurs. Cela est d’autant plus préoccupant que la pauvreté constitue une des causes de conflit les plus importantes du continent. Or les moyens faramineux consacrés aux armées par bon nombre de gouvernements africains et leurs partenaires internationaux non seulement réduisent drastiquement la capacité des Etats à réformer leurs systèmes de santé, d’éducation et à investir dans les secteurs productifs, mais aussi ceux-ci participent moins à la professionnalisation des forces de sécurité et de défense capables de soutenir les processus de démocratisation en cours.
Bien que l’on ait pu observer une réduction de crises et conflits au sein du continent, la France et les Etats d’Afrique doivent résolument tirer les leçons des échecs observés ces dernières années dans la gestion des conflits, des situations de transition et de reconstruction post-conflit en Afrique. La non prise en compte de ces échecs risque sérieusement d’avoir un impact catastrophique non seulement sur les économies africaines mais aussi et surtout sur la capacité africaine à se doter, à moyen et à long terme, des forces de sécurité et de défense républicaines. Elle risque également de donner un signal fort à une population majoritairement jeune, diplômée mais sans emploi, qui serait d’utiliser la violence armée comme moyen alternatif pour « gagner sa vie ».
Dans la même perspective, l’on pourrait voir émerger une nouvelle typologie d’acteurs de conflits en Afrique : il ne sera plus seulement question d’avoir accès aux ressources naturelles pour obtenir le pouvoir mais les Etats feront face à la contrainte du réel, celle de jeunes diplômés en grand nombre au chômage qui s’en prendraient à l’incompétence de leurs dirigeants pour non seulement avoir accès à un « emploi décent » mais également obtenir un moyen de reconnaissance par la communauté internationale. En Côte d’Ivoire, les anciens chefs de guerre venus du Nord se sont fait des places très convoitées dans l’appareil sécuritaire (3) national et n’hésitent pas à s’exhiber dans des magazines people ; et au Mali, la nomination du capitaine Sanogo au grade de général, heureusement inculpé pour complicité d’enlèvement depuis novembre 2013, sont autant d’exemples qui pourraient encourager la jeunesse africaine à se lancer dans de telles voies.
La France dans ses relations avec l’Afrique doit donc, pour dynamiser sa politique africaine et la rendre productive, procéder à des arbitrages essentiels pour soutenir les axes indispensables au développement et à l’épanouissement des populations africaines. Il n’est pas question ici de nier le rôle stratégique des forces de sécurité et militaires dans l’établissement ou la consolidation de la stabilité en Afrique mais plutôt d’inciter à redéfinir le partenariat Afrique-France à partir d’un diagnostic clair des enjeux géopolitiques, démographiques et des perspectives géoéconomiques qui s’offrent à l’Afrique.
Quel bilan pour les derniers Sommets ?
La France appuie les initiatives africaines dans plusieurs domaines : lutte contre les trafics d’armes légères, terrorisme et piraterie en haute mer, élimination des mines antipersonnel, maintien et consolidation de la paix, assistance technique et appui institutionnel dans le cadre de la démocratisation et la bonne gouvernance. Elle participe activement sur le plan de la santé à la lutte contre les pandémies et les maladies tel que le sida. Sur la scène internationale et en matière de développement économique et commercial, elle est souvent qualifiée d’avocat et relai des préoccupations africaines dans les enceintes multilatérales, au Conseil de sécurité, au FMI, au conseil de l’Union européenne comme aux sommets du G8 et du G20.
Depuis 1998, date à laquelle le sommet Afrique-France a porté essentiellement sur la sécurité en Afrique, cinq autres sommets ont réuni les Chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Afrique et de la France et plusieurs initiatives ont été prises. Au moment où le 26e sommet s’annonce, l’on serait donc en droit, pour l’avenir du partenariat Afrique-France, de se demander ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné afin d’éviter de commettre à nouveau les erreurs d’hier et de pouvoir anticiper les échecs de demain.
Si plusieurs thématiques ont accompagné les derniers sommets, précisons qu’au-delà d’une terminologie pléthorique trois axes thématiques principaux méritent d’être retenus. L’axe paix, sécurité et développement, l’axe Afrique et gouvernance mondiale ou mondialisation et l’axe jeunesse africaine. C’est sur ces trois principaux axes que le partenariat Afrique-France peut être évalué à la veille du 26e sommet.
En ce qui concerne l’axe paix, sécurité et développement, notons qu’en 1998 à Louvre face à l’explosion des violences dans les deux Congo, la France, avec son programme RECAMP, avait décidé d’accompagner les Etats africains dans la mise en place des organisations régionales de sécurité. Elle a participé, à cet effet, à la création des écoles nationales à vocation régionale de sécurité (ENVR) (4) et de maintien de la paix dans les sous-régions africaines (conception des programmes de formation, appui pédagogique…). Douze ans plus tard, au cours du dernier sommet à Nice en 2010, la France s’est engagée à former 12 500 soldats africains « pour que l’Afrique s’approprie, peu à peu sa défense ».
Une des erreurs fatales liées à ces initiatives françaises réside dans la non évaluation des capacités d’appropriation africaines tant dans le cadre des programmes de formation proposés que dans le cadre de l’assistance technique en matière de prévention des conflits et de planification autonome des opérations de maintien de la paix. La récente intervention française au Mali, l’inflation des violences en République Centrafricaine, le retard observé dans la capacité des Africains à constituer une force de réaction rapide ou encore les lacunes capacitaires et logistiques de la mission de l’Union africaine au Darfour en 2005 démontrent suffisamment cet échec.
A propos de l’axe thématique Afrique et gouvernance mondiale, la France relaie certes les préoccupations africaines dans les enceintes multilatérales et négocie une représentation africaine au sein du Conseil de sécurité des Nations unies mais ses partenaires Africains peinent à développer une culture du multilatéralisme qui lui permette de tirer profit des avantages offerts par la mondialisation. Plusieurs sommets ont été consacrés à cette thématique sans que la sclérose institutionnelle et l’inertie consécutive au centralisme décisionnel de ces Etats ne soient rigoureusement prises en compte. Citons à ce propos quelques thématiques y rattachées : le sommet de Yaoundé en janvier 2001 : « L’Afrique face aux défis de la mondialisation », le sommet de Cannes en février 2007 : « L’Afrique et l’équilibre du monde » et un des sous-thèmes du sommet de Nice en 2010 consacré à « la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale ».
Par ailleurs, au sommet de Bamako en décembre 2005, la jeunesse africaine était inscrite à l’ordre du jour comme un moyen de moderniser les relations entre l’Afrique et la France, compte tenu de sa « vitalité », de sa « créativité » et de ses « aspirations ». Le Président Jacques Chirac affirmait d’ailleurs dans cette perspective que la jeunesse africaine « souhaite d’abord et avant tout la démocratie et la paix, des institutions stables et puis, naturellement, des conditions de vie normales pour notre temps ». Aujourd’hui force est de constater que, si les perspectives démographiques africaines sont positives et que la place de la jeunesse sera déterminante pour valider toutes les prévisions macro-économiques actuelles, la jeunesse africaine se situe aux antipodes des politiques publiques nationales censées conduire le continent à l’émergence. Dans cette perspective, les thèmes de la jeunesse et du développement qui au départ n’étaient pas retenus dans le cadre de ce sommet se sont trouvés inscrits à l’ordre du jour sous la pression de l’Union africaine et de la situation « d’émergence » que traverse le continent.
L’Afrique émergente : entre innovation terminologique et instrument de marketing politique. Quel pourrait être l’apport de la France ?
Au-delà des discours officiels, les mesures prises concrètement par les Etats africains et sur le terrain par rapport à la profondeur des problèmes du continent suscitent des interrogations quant à la pertinence de leurs politiques d’émergence. Mais avant tout questionnement, il est flagrant de constater que le concept d’Afrique émergente, bien qu’ouvrant des perspectives non négligeables, semble être au regard des politiques publiques nationales plus une opportunité terminologique qui pourrait alimenter l’optimisme des bailleurs de fond traditionnels ou potentiels de l’Afrique qu’un examen approfondi des dysfonctionnements structurels qui résistent au changement du continent. Oui, les taux de croissance sont depuis près d’une décennie élevés en Afrique, oui l’augmentation de l’investissement étranger est incontestable et les perspectives démographiques sont positives ; pour autant, le seul recours à ces indicateurs est-il pertinent pour évaluer le développement économique de l’Afrique à court, moyen et long termes en Afrique?
S’il faut s’en tenir à la croissance élevée du PIB africain, à l’augmentation du revenu par habitant, à l’explosion des téléphones portables et au développement des services (5) comme le relève la presse, la réponse mérite d’être nuancée. Mais sans toutefois généraliser l’analyse à l’ensemble des pays africains francophones ou anglophones, lusophones ou hispanophones et encore moins arabophones qui enregistrent des niveaux de développement variant absolument d’un pays à l’autre, la réponse pour la plupart de chacun de ces groupes de pays est strictement non, et ceci pour deux raisons majeures.
D’abord, la question liée à l’emploi et au chômage des jeunes. La capacité de l’Afrique à créer à grande échelle des emplois stables et durables est quasi nulle dans plusieurs Etats. Or toutes les études s’accordent à indiquer que l’Afrique représentera la plus grande population active du monde à l’horizon 2035. Au cours de la décennie écoulée, d’après les statistiques, l’Afrique a créé plus de 37 millions d’emplois rémunérés alors que de 1970 à 2010 la population active a augmenté de 92 millions à environ 575 millions, soit 91 millions de personnes au cours des dix dernières années. Pour l’heure, les politiques de croissance africaine se focalisent plus sur la construction dispersée des infrastructures, certes indispensables au développement, mais ces politiques n’ont pas encore rigoureusement identifié les secteurs de l’économie capables de résorber le chômage et créer des emplois rémunérés stables et durables. Plus grave encore, les politiques mises en place consacrent très peu de moyens en termes d’identification et d’offres de formation aux travailleurs actuels ou potentiels devant occuper des emplois qualifiés dans des secteurs clés de l’économie notamment l’industrie.
Par ailleurs, les indicateurs évaluant les perspectives de développement de l’Afrique ne s’appuient pas ou très peu sur deux secteurs essentiels mais sous utilisé dans les politiques nationales de croissance : l’agriculture et l’industrie. En ce qui concerne l’agriculture, il est vrai, les perspectives sont bonnes et les ressources abondantes pour l’agriculture africaine (6), mais de nombreux défis conduisant à des crises et à l’insécurité alimentaires pèsent lourdement sur le continent. Le FAO en relève quelques-uns : les lents progrès d’intégration régionale, de gouvernance et les lacunes institutionnelles, la mise en relation des petits exploitants en majorité des ruraux avec les marchés, la création d’opportunités d’emploi dans les zones rurales, les inondations et les sécheresses.
A propos de l’industrie, si les économies africaines restent des économies de rente pour la plupart, elles tentent tant bien que mal à développer le secteur des services. Mais les services, comme le démontre Jacques Attali analysant la compétitivité française dans Urgences françaises, restent un des havres principaux des rentes. Or, soutient-il, sans industrie, il n’y a ni croissance, ni emploi, ni exportations(7). La croissance africaine, sans l’étape industrielle, restera donc sans impact social sur l’état de l’Afrique.
La France n’a donc pas à rester cloisonnée dans des discours politiques et institutionnels très attractifs et ne suscitant aucune réelle adhésion pour opérer des choix judicieux profitables au partenariat Afrique-France. Le contexte géopolitique mondial actuel et l’ampleur des défis internes en Afrique imposent à ce partenariat une urgente révision des pratiques courantes entre les deux acteurs. Si les choix opérés par certains pays d’Afrique au début de la décennie 2000 ont porté quelques fruits : mobilisation des ressources au plan intérieur, réorientation des dépenses publiques, investissement dans l’éducation et la santé de base, réforme des services publics…(8), la France, pour ne pas avoir une position marginale dans les années à venir, devra structurellement encourager et accompagner de telles réformes. Plutôt que d’investir des sommes faramineuses dans le cadre des interventions militaires dépourvues de capacité d’anticipation et de prévention des conflits, elle devra améliorer sa coopération par le renforcement des dispositifs de prévention des conflits. La militarisation de la prévention des conflits en Afrique, dans un contexte de croissance exponentielle de la population et de la précarité, sera incontestablement contre-productive à moyen et à long terme pour la France et pour l’Afrique.
La France peut-elle encore agir seule en Afrique?
« L’Afrique est le seul continent qui soit encore à la mesure de la France, à la portée de ses moyens. Le seul où elle peut, encore, avec ses hommes, changer le cours de l’histoire » , affirmait Louis de Guiringaud, ministre des Affaires étrangères de Giscard d’Estaing en 1979. Cette déclaration semble être erronée de nos jours. La France bénéficie d’un héritage historique qui lui permet encore de conserver une influence politique à moyen terme dans la géopolitique africaine. Mais l’environnement hautement concurrentiel actuel en Afrique, avec l’offensive diplomatique et le pragmatisme économique de nouveaux acteurs émergents, lui impose de tourner une page de sa tradition diplomatique à l’égard de l’Afrique. La sortie du giron de l’Afrique francophone pour s’adresser à l’ensemble du continent, comme alternative diplomatique et stratégique, réserve certes des perspectives économiques favorables au partenariat Afrique-France, en ce sens qu’elle pourrait accélérer une compétition internationale entre les pays des différents blocs linguistiques (certains inertes et d’autres plus volontaristes) ; Mais cela suppose aussi des responsabilités nouvelles lourdes de signification pour la politique africaine de France.
De ce point de vue, la traditionnelle politique africaine de la France, qui fait déjà les frais d’une crise financière d’une violence épouvantable, laisse à la diplomatie française une marge de manœuvre très réduite sur un terrain africain à haute intensité concurrentielle. La France devra donc jouer la carte de l’Europe pour un partenariat bénéfique aux acteurs en coopération. Mais pour y parvenir, la France a besoin de convaincre ses partenaires européens pour qu’ils s’intéressent davantage à l’Afrique. Ces derniers sont de plus en plus réticents à s’investir en Afrique compte tenu non seulement de la très peu visibilité de l’Union européenne dans certains pays et régions d’Afrique à cause des résultats peu satisfaisants du partenariat Europe-Afrique : l’occasion semble offerte au Conseil européen très attendu en décembre prochain, notamment dans le secteur de la sécurité et la défense.
Michel Barnier affirmait, parlant de l’influence française à la conférence parlementaire sur l’Europe de la défense le 11 juillet 2013, que « l’influence française ne se décrète pas entre nous, elle se construit avec les autres ». Cela semble donc aussi valable en ce qui concerne le partenariat Afrique-France. Pour convaincre ses partenaires européens sur la nécessité d’accroitre leur présence en Afrique, la France devrait nécessairement faire le point avec ses partenaires africains à l’occasion du prochain sommet, rompre avec l’imprévisibilité de ses engagements et structurellement s’impliquer à la connaissance approfondie des dossiers des Etats partenaires. Cela suppose un changement de stratégie dans l’accompagnement politique et institutionnel de ces Etats.
Le Partenariat Afrique-France n’est plus le seul à se développer sur le sol africain. La Chine enregistre cinq sommets organisés avec l’Afrique depuis 2006, le Brésil, dans le cadre du sommet Afrique-Amérique du sud en est à son troisième, hors coopérations bilatérales, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon, la Russie, la Turquie, la Corée du sud…sont de plus en plus présents en Afrique. La France, en collaboration avec ses partenaires Africains, face à toutes ces offensives diplomatiques devra se déployer davantage à conjuguer sa politique africaine en matière de sécurité, de bonne gouvernance et de développement aux stratégies de coopération des autres partenaires de l’Afrique, dans le but à terme de construire une synergie profitable aux acteurs en coopération.
(1) Pierre Jacquemot, « L’Afrique subsaharienne dans la crise financière. Vulnérabilités, convoitises et résiliences », Les notes de l’IRIS, octobre 2011.
(2) Sommet organisé du 6 au 7 décembre 2013 à Paris
(3) Jeune Afrique n°2749 du 15 au 21 septembre 2013
(4) Il en existe 16 dans 10 pays africains : Cameroun 3, Mali 2, Sénégal 2, Benin 2, Gabon 2, Guinée équatoriale 1, Togo 1, Burkina Faso 1, Congo 1, Niger 1
(5) L’envol économique de l’Afrique n’est qu’un leurre, www.slateafrique.com , 10/01/13
(6) FAO, 2050 – le défi alimentaire de l’Afrique
(7) Jacques Attali, Urgences françaises, Fayard, 2013, p.57.
(8) Pierre Jacquemot, op cit.