19.12.2024
Livre blanc de la défense japonaise : Pékin et Pyongyang à nouveau pointés du doigt
Tribune
15 juillet 2013
Pékin a vigoureusement protesté contre ces accusations, qui se répètent d’année en année dans les Livres blancs de la défense japonaise. Le 26 juin, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, avait déjà critiqué le sommaire de l’édition annuelle, et appelé le Japon à l’introspection et à contribuer davantage à la paix et à la stabilité régionales (4). « Le développement de la défense nationale chinoise vise seulement à maintenir la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale et la paix et la stabilité dans la région et le monde », a-t-elle réaffirmé. « Nous espérons que la partie japonaise respectera la tendance historique, mènera avec sérieux son propre examen, procédera à une introspection concernant son histoire d’agression et œuvrera davantage pour sauvegarder la paix et la stabilité », a indiqué Mme Hua. La porte-parole a ajouté que la Chine ne changerait pas sa position ni sa détermination sur le problème des îles Diaoyu et continuerait de prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder sa souveraineté sur ces îles.
Cette critique acerbe a été réitérée le mardi 9 juillet, lorsque Mme Hua a qualifié le Livre blanc de tentative d’attirer l’attention sur « la menace chinoise », ajoutant que les efforts japonais pour renforcer ses forces militaires étaient inquiétants.
Inversion de tendance
En réalité, Tokyo essaie tant bien que mal de compenser la montée en puissance très rapide des forces, notamment maritimes, chinoises. De plus, les incursions chinoises dans les eaux territoriales japonaises sont à présent quasi-quotidiennes.
L’effort japonais apparaît bien modeste : ainsi les Forces d’autodéfense verront-elles leurs effectifs augmenter de… 287 personnes au cours de l’année fiscale 2013 (5) Mais, pour la première fois en dix ans, le budget de la Défense japonais augmentera à 4 680 milliards de yens, soit une hausse de 0,8 % par rapport au budget pour l’année fiscale 2013. On est là bien loin du taux de croissance des dépenses militaires chinoises (10,7 % en 2013), qui s’élèvent officiellement à 720,2 milliards de yuans (88,8 milliards d’euros) contre 40 milliards d’euros pour le budget militaire japonais.
Face aux navires et avions chinois, l’accent est mis sur l’amélioration des moyens de détection, notamment par l’acquisition de deux avions de patrouille maritime P1. Un sous-marin de la classe Soryu, difficilement détectable, sera aussi acquis et pourra patrouiller dans le sud-ouest du Japon, autour des îles Senkaku. Deux avions américains F-35 furtifs seront achetés et six F-15 seront modernisés au cours de cette année fiscale 2013, permettant, avec des moyens de détection aérienne renforcés (radars et avions de surveillance aérienne E-767 et E-2C), une meilleure couverture aérienne des possessions japonaises du sud-ouest de l’archipel nippon.
Face à l’autre voisin qui inquiète Tokyo, la Corée du Nord, des mesures sont prises car la menace que fait peser le régime de Pyongyang est prise très au sérieux. Tokyo va donc renforcer sa défense antimissiles (6). Le ministère de la Défense japonais va probablement acheter deux nouveaux destroyers équipés du système Aegis (système de combat antimissile américain), qui s’ajouteront aux six navires de ce type dont le Japon dispose déjà, en raison de la montée de la menace des missiles nord-coréens, rapporte le Japan Times.
Parallèlement, Tokyo renforce ses alliances tous azimuts. Si le Livre blanc consacre un important chapitre au renforcement de l’alliance avec les Américains, les autres coopérations militaires sont également présentées comme nécessaires. Celles-ci se mettent en place, comme le montrent deux évènements récents. Les 27 et 28 juin, le ministre de la Défense japonais, Itsunori Onodera, a ainsi effectué une visite aux Philippines afin de renforcer les relations entre les deux pays en termes de défense. Selon lui, le ministère de la Défense japonais devrait renforcer sa coopération avec les ministères de la Défense des pays d’Asie du Sud-Est et des Etats-Unis. Hors d’Asie, Tokyo cherche aussi des partenaires, notamment sur le plan industriel. C’est le cas avec la Grande-Bretagne, comme le note Quentin Michaud : « Le ministre des Affaires étrangères, William Hague, et l’ambassadeur du Japon à Londres, Keiichi Hayashi, ont signé (début juillet) un important accord visant à renforcer la coopération de défense entre les deux pays. L’objectif est notamment d’accentuer les relations entre les industriels de défense dans des secteurs bien précis. La première étape de cette coopération se situe dans le secteur de la protection contre les armes NRBC. Les deux pays coopèrent déjà dans de nombreux domaines. Leurs industries respectives pourraient ainsi améliorer leurs relations voire mutualiser certains programmes (7). »
Face aux menaces combinées de Pékin et Pyongyang, Tokyo renforce son effort de défense. L’inversion de la courbe déclinante des dépenses militaires est à cet égard un signe clair adressé à ses voisins que le Japon ne tolérera pas les menaces croissantes pesant sur ses territoires souverains.
(1) Defense of Japan 2013, Ministry of Defense of Japan, juillet 2013.
(2) Reuters, 9 juillet 2013
(3) Le Figaro, 9 juillet 2013
(4) Xu Yongchun, Chine Nouvelle (Xinhua), le 26 juin 2013
(5) Defense of Japan 2013, « [Major Issues in Build-Up of Defense Capability
in FY2013->http://www.mod.go.jp/e/publ/w_paper/pdf/2013/27_Part2_Chapter2_Sec3.pdf] », page 159.
(6) Japan eyes two new Aegis destroyers to counter N. Korea missile threat, Japan Times, 7 juillet 2013.
(7) Quentin Michaud, « [Une meilleure coopération de défense entre la
Grande-Bretagne et le Japon->http://www.infosdefense.com/une-meilleure-cooperation-de-defense-entre-la-grande-bretagne-et-le-japon-97876/] », Info défense, 5 juillet 2013.