ANALYSES

Election présidentielle en Iran : peut-on s’attendre à une surprise ?

Tribune
12 juin 2013
Ce fut le cas en 1997, lorsqu’un religieux quasi-inconnu, Mohamad Khatami, décida de se présenter contre le candidat de l’appareil, soutenu par toutes les institutions religieuses et par le Guide suprême. Pendant la campagne électorale et au cours des débats transmis en direct à la télévision, il préconisa de réformer la République islamique et de promouvoir la démocratie et la société civile. Mohamad Khatami a su mobiliser des millions de citoyens, particulièrement les femmes et les jeunes, sur un programme réformiste. Contre toute attente, il gagna la présidentielle dès le premier tour avec plus de 70 % de voix.

Au cours de la présidentielle de 2009, Mir Hussein Moussavi sut mobiliser sur le même registre les électeurs, notamment les jeunes, qui souhaitaient le changement. On connaît la suite : le scrutin a été entaché de fraudes au profit d’Ahmadinejad, le candidat du Guide, et le mouvement de contestation qui s’en est suivi fut réprimé dans le sang.

Peut-on s’attendre à une nouvelle surprise à cette élection présidentielle du 14 juin ? Certains éléments laissent penser que la campagne ne se déroule pas comme l’appareil du régime islamique le souhaitait. Après l’invalidation de la candidature de l’ex-président Hachémi Rafsandjani, qui avait toutes les chances d’être élu, le Conseil des gardiens de la Constitution a validé la candidature de deux personnalités proches des réformateurs pour donner un semblant de pluralité à l’élection. Tout laissait entendre que la campagne opposerait en réalité les candidats au sein du camp de la droite conservatrice et des Usulgarayans (fidèles aux principes), une autre faction des durs du régime, également proches du Guide.

Or, dans une première étape, la candidature de Saïd Jalili, actuel chef de la délégation iranienne aux négociations sur le dossier nucléaire et la figure de la droite ultra-conservatrice, a bouleversé les calculs des Usulgarayans. M. Jalili apparaissait un temps comme le candidat favori et proche du Guide. Dans une deuxième étape, les trois candidats usulgaras, revendiquant la fidélité au Guide, contrairement à ce qu’ils avaient annoncé, n’ont pas réussi à présenter une coalition autour d’un seul candidat. Si l’un d’entre eux, Hadad Adel, également conseiller du Guide, vient de se retirer à la dernière minute, M. Qalibaf a maintenu sa candidature.

La divergence au sein de la droite a ainsi éclaté au grand jour et a touché un dossier que l’on pensait à même de rester à l’écart des jeux des factions, à savoir le dossier nucléaire. M. Ali Akbar Velayati, l’un des trois candidats de la coalition usulgara et le conseiller du Guide pour les affaires internationales, a créé la surprise en attaquant violemment l’autre candidat de la droite, Saïd Jalili, l’accusant de mal gérer les négociations avec le groupe 5+1. Il a même révélé qu’au cours des négociations avec les 5+1, l’année dernière à Almaty, ces derniers auraient proposé à l’Iran la suspension de l’enrichissement de l’uranium par l’Iran à 20 % contre la levée partielle des sanctions, en critiquant M. Jalili d’avoir refusé cette proposition.

Le débat sur le dossier nucléaire, qui révèle que le Guide Ali Khamenei n’est probablement pas le seul décideur sur cette question, n’est pas la seule surprise de la campagne. Les candidats proches des réformateurs, dont personne ou presque ne croyait à leur chance, mènent une campagne offensive sur les mots d’ordre chers aux réformateurs. Hassan Rouhani a même abondé sur le rôle négatif des gardiens de la révolution (pasdarans) et les miliciens armés dans la vie politique. Le deuxième candidat réformateur, M. Aref, vient de retirer sa candidature, à la demande de l’ex-président Mohamad Khatami, toujours populaire et champion des réformateurs. La victoire de M. Rouhani n’est plus une hypothèse de l’école. La question est de savoir si le régime peut supporter un vote libre et transparent. M. Rouhani se trouve en tout cas dans une position favorable pour affronter probablement M. Velayati au second tour. La peur gagne les milieux conservateurs et les durs du régime et l’invalidation de la candidature de M. Rouhani par le Conseil des gardiens de la Constitution a même été évoquée par les différents milieux politiques à Téhéran.

Il reste deux inconnues : premièrement, le Guide peut-il garder sa neutralité officielle dans la campagne ? L’expérience a montré que lorsque le candidat de l’appareil est en danger, le Guide intervient par différents moyens en sa faveur ou en faveur d’un candidat qui lui semble davantage proche. Deuxièmement, dans l’hypothèse désormais sérieuse de la victoire de M. Rouhani, le régime peut-il une nouvelle fois, comme en 2009, recourir aux fraudes et réprimer le mouvement de protestation qui s’en suivrait ?

S’il est certain que le Guide fera tout pour que son candidat favori soit élu, il n’est pas certain que le régime puisse supporter une nouvelle répression comparable à celle de 2009, tant la situation a changé en quatre ans et que l’Iran est désormais confronté à de graves crises économique, politique et sociale, conséquences à la fois des sanctions internationales et de la mauvaise gouvernance du populiste Ahmadinejad.
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