06.11.2024
Mali, la guerre n’est pas finie
Tribune
25 mars 2013
Ces conditions reposent sur trois socles : la sécurité, la réconciliation et le développement.
En matière de sécurité d’abord. La MISMA doit être opérationnelle sur le terrain. Celle-ci devrait compter 8 000 militaires africains en comptant les forces tchadiennes, sous le commandement du général nigérian non francophone, Shehu Abdulkadir. Son budget annuel a été évalué fin janvier à 460 millions de dollars américain. Une fraction seulement a été réunie. De surcroît, la sécurisation ne peut pas concerner que le Nord Mali. Sans le contrôle de l’ensemble de la région, les sanctuaires djihadistes resteront nombreux, en Mauritanie, en Algérie, au Tchad ou au Niger où des tensions sont perceptibles du côté d’Agadès et plus au Nord.
La réconciliation et le dialogue sont à l’ordre du jour à Bamako. La tâche est ardue. La résurgence du conflit armé en janvier s’est accompagnée d’une exacerbation de tensions ethniques déjà anciennes, notamment autour des populations Songhaïs, Peuls et Touaregs. Le ressentiment contre les membres du MNLA, une fraction revendiquant l’indépendance du Nord jusqu’à l’intervention française du 11 janvier, sert à présent de justifications aux exactions aveugles commises par l’armée malienne contre les « peaux blanches ». La réconciliation ne se fera pas sans justice, en particulier sans avoir établi les responsabilités des abus commis par les forces de sécurité impliquées dans les récentes violations des droits humains, quel que soit leur rang ou leur position comme le demande Human Watch Rights. Juguler la montée des tensions ethniques supposera de s’assurer que pendant les négociations, les aspirations et les ressentiments de tous les résidents du Nord, pas seulement de ceux qui ont pris les armes, soient entendus.
La classe politique malienne reste peu audible. Une illustration : personne n’a entendu depuis un an Alpha Oumar Konaré, l’ancien Président (1992-2002) et président de la Commission de l’Union africaine jusqu’en 2008. Pendant ce temps, le Capitaine Sanogo, le nuisible mais incontournable auteur du putsch du 22 mars 2012, garde sa popularité, construite sur le dénigrement de la classe politique accusée d’avoir accaparé les ressources sans les redistribuer. Il est toujours présent et contrôle la hiérarchie militaire. Le chasser, alors qu’il est une des expressions du malaise dans l’armée et la société, serait prendre un risque grave.
Dans ce contexte, seuls les élus locaux, issus de la décentralisation des années 1990, lorsqu’ils n’ont pas détourné les fonctions dévolues à leur profit et à celui de leur clientèle, gardent une légitimité dans les villes et les terroirs libérés. Il y a sept cents collectivités au Mali. Elles peuvent contribuer à apaiser les tensions entre communautés. Elles peuvent aussi veiller à la remise en route des services publics de proximité, relancer les investissements de proximité.
Les élections prévues en juillet 2013 ont pour but de rendre une dose de légitimité au pouvoir civil, intérimaire depuis l’éviction d’Amani Toumani Touré. Les partis politiques, tous largement discrédités, donnent l’impression de vouloir se remobiliser. L’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), le principal parti, propose rien moins que 19 candidats à la candidature. Mais aucune femme ne figure sur la liste. On retrouve plusieurs anciens ministres, comme Soumeylou Boubeye Maïga, Ibrahima N’Diaye, Ousmane Sy ou encore Moustapha Dicko. L’Union pour la République et la Démocratie a quant à elle choisi son candidat Soumaïla Cissé, ancien ministre et ancien patron de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest. Il avait quitté Bamako après le putsch. Il plaide pour l’unité du pays, la fin de l’impunité et juge que la présence du MNLA aux côtés de l’armée française à Kidal est une «verrue».
Mais encore faut-il que les élections puissent se tenir, que le fichier électoral soit actualisé, que la logistique soit réunie, alors que la saison des pluies rendra difficile l’accès de certaines localités. On peut néanmoins considérer comme absolument souhaitable que les élections, un moment important dans le processus de relégitimation du pouvoir, aient lieu avant la fin de l’année. Dans le processus de réconciliation, les autorités religieuses musulmanes modérées pourront aussi jouer un rôle décisif.
Le développement, enfin, est à l’ordre du jour. Il l’était déjà lors du Pacte national de 1992 qui fit suite aux premières rébellions du Nord. Il n’a jamais vraiment quitté l’agenda des agences spécialisées, mais, en raison du déficit de gouvernance, sa traduction en projets a toujours été lente et imparfaite. Les services de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau ou en énergie demeurent défaillants. De nombreuses villes sont coupées du reste du pays faute d’infrastructures.
L’aide humanitaire a été sensiblement accrue. Elle doit permettre le réapprovisionnement des stocks de médicaments, le redémarrage des centres de santé communautaire, par l’intermédiaire des ONG qui travaillent déjà dans la zone. La prochaine campagne agricole se joue dès le mois de mai. Si les paysans ne peuvent accéder à leurs champs ou s’ils ne disposent pas de semences, ils ne produiront pas pour satisfaire leurs besoins. Le risque sera alors d’avoir une crise alimentaire en 2014. Il est urgent de remettre sur le chemin de l ‘école les 800 000 enfants déscolarisés depuis un an. L’Union européenne a indiqué qu’elle pourrait rapidement mobiliser une enveloppe d’environ 250 millions d’euros dans des programmes de développement. L’Agence française de développement revient à Bamako. Elle travaille à la sélection des projets qui seront financés avec les 150 millions d’euros qui avaient été gelés. Il s’agit d’une part de relancer des projets déjà commencés mais suspendus. Les collectivités locales françaises ont pris à Lyon, le 19 mars dernier, l’engagement de réactiver les nombreux projets laissés en jachères.