ANALYSES

L’UE : un Prix Nobel de la paix « allié objectif » de la colonisation israélienne ?

Tribune
10 décembre 2012
Certes, la construction européenne est d’abord l’histoire d’un succès historique et politique symbolisé par un fait : après deux guerres mondiales qui ont ensanglanté la première moitié du XXe siècle, le Vieux continent connaît la paix. Il n’empêche, l’Union a peu d’actions internationales fortes et efficaces à son actif. Absence de forces militaires extérieures et déficit de volontarisme politique obligent… Les divisions internes ont souvent paralysé l’organisation, incapable d’assumer une position unique sur les grands dossiers internationaux (comme l’atteste la crise/la guerre d’Irak de 2003) ou d’éviter la guerre dans l’espace européen, en ex-Yougoslavie, au début des années 90.

L’impuissance internationale de l’UE et les contradictions de sa politique extérieure se vérifient dans le conflit israélo-palestinien. Les Européens ont fait montre d’une audace remarquable lors de la déclaration de Venise de 1980 en adhérant à la solution des deux Etats coexistant dans la paix et la sécurité. Cet acte politique et symbolique est prolongé par un engagement financier non négligeable. L’aide financière aux Palestiniens remonte à 1971, date à laquelle la Communauté économique européenne a versé sa première contribution au budget de l’Office de secours et des travaux des Nations Unies (UNRWA) pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient. Depuis, l’Union européenne est devenue le plus grand donateur d’aide au développement dans les Territoires palestiniens occupés. De 1994 à 2012, l’UE a attribué plus de 5 milliards d’euros d’aide aux Palestiniens. Membre du Quartet, elle défend le processus de paix sur la base des Accords d’Oslo et condamne régulièrement la politique de colonisation suivie par l’Etat israélien.
Or ces déclarations de principes se révèlent inconséquentes. Liés par un accord d’association, l’UE et Israël se sont engagés dans un partenariat visant à instaurer des relations politiques étroites et des relations de commerce et d’investissement, ainsi qu’une coopération dans les domaines économique, social, financier, civil, scientifique, technologique et culturel. L’accord est fondé, selon ses propres termes, sur « le respect partagé des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme ». Une clause qui pose problème au regard de la violation du droit international qui caractérise la politique d’occupation et de colonisation des gouvernements israéliens successifs.
Or non seulement Israël bénéficie d’un statut privilégié dans ses relations avec l’UE, mais cette dernière importe quinze fois plus de marchandises issues des colonies illégales israéliennes que des territoires Palestiniens, souligne un récent rapport intitulé « La paix au rabais : comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes illégales », publié par 22 organisations non-gouvernementales, dont le CCFD-Terre Solidaire et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). D’un côté, l’Union européenne considère que les colonies sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle à l’instauration de la paix ; de l’autre, cette ligne officielle est contredite par une réalité commerciale : l’UE fournit le marché d’exportation principal pour les produits – agricoles et industriels – issus des colonies. La plupart des Etats membres de l’UE, dont la France, n’assurent pas d’étiquetage sur l’origine réelle de ces produits estampillés par un simple « Made in Israël », infondé juridiquement. Dès lors, l’Europe a une part de responsabilité dans le développement des colonies israéliennes en Cisjordanie et facilite le contrôle par Israël de quelque 40 % de ce territoire.

Cette réalité fait tâche au regard des valeurs et principes que l’UE ambitionne de promouvoir à l’échelle internationale. D’autant que la remise du Prix Nobel coïncide avec les mesures de rétorsions israéliennes à l’encontre des Palestiniens, suite à l’obtention d’un nouveau statut à l’ONU. Benjamin Netanyahou a décidé de confisquer le produit des taxes des importations palestiniennes qu’il perçoit et transfère en principe à l’Autorité palestinienne. Pis, le Premier ministre israélien invoque les « intérêts stratégiques » du pays pour (re)lancer un projet de construction de 3 000 nouveaux logements dans des colonies à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, des territoires occupés palestiniens. Si cette sur-réaction israélienne n’est pas la première du genre, elle ne saurait pour autant banaliser la violation intempestive du droit international de la part d’un État qui se targue rituellement d’être « la seule démocratie de la région »…

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