20.12.2024
Intégration des Balkans dans l’UE : mission impossible ?
Tribune
19 octobre 2012
Une fois n’est pas coutume, l’Albanie se voit décernée des encouragements remarqués puisque la Commission recommande qu’elle accède au statut tant désiré de candidat à l’UE si le pays « confirmait ses engagements ». Cette étape importante de l’intégration européenne récompense les efforts de Tirana, à temporiser notamment la crise politique qui a paralysé trop longtemps la vie parlementaire. La tenue d’élections législatives courant 2013 constituera un test clé des capacités de la jeune démocratie.
Le Monténégro voisin, lui, voit souligner ses progrès dans les réformes essentielles, notamment économiques. Si Podgorica a commencé ses négociations d’adhésion en juin, il ne décroche cependant qu’un « peut mieux faire », notamment dans le domaine de l’état de droit, de la lutte contre la corruption et le crime organisé. Pas de quoi néanmoins ébranler la confiance des électeurs qui ont réélu dimanche dernier lors de législatives anticipées la coalition de l’indéboulonnable et pro-européen Milo Djukanovic, dont le parti est le seul des Balkans à avoir remporté tous les scrutins depuis la fin de la Yougoslavie.
La poursuite de l’état des lieux balkanique devient cependant plus délicate pour Bruxelles. En effet, dans les Balkans, l’UE est à la fois juge et partie. Juge des progressions mais aussi acteur de la stabilité de deux pays et ce depuis la fin des conflits : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Malheureusement pour Bruxelles, ces deux pays sont aussi ceux qui stagnent chroniquement au fond du classement. Héritage de la guerre, la Bosnie-Herzégovine est embourbée dans un système de fonctionnement politique et institutionnel basé sur la crise permanente sans qu’une présence internationale, et tout spécialement européenne, massive ne réussisse à infléchir les mécanismes.
Le Kosovo, qui a auto-proclamé son indépendance en 2008, n’est toujours pas reconnu par cinq États membres des 27. Son intégration européenne est donc pour l’instant plus qu’improbable même si la Commission recommande que Pristina puisse finalement conclure un accord d’association avec l’UE.
Ancienne province serbe, le Kosovo est aussi le frein inexorable à la progression européenne de la Serbie qui a obtenu le statut de candidat en février dernier. Bruxelles exige ainsi de Belgrade « une amélioration viable et visible des relations avec le Kosovo » avant de franchir une nouvelle étape, au grand dam des Serbes qui espéraient déjà se voir signifier le début des négociations d’adhésion.
Or les pays du Balkans commencent à pointer du doigt les contradictions de l’UE et pas seulement sur sa position sur le Kosovo. En tête, la Macédoine, qui candidate depuis 2005, voit la Commission européenne recommander pour la quatrième fois consécutive l’ouverture de ses négociations d’adhésion pour se faire retoquer probablement par la Grèce, pour la quatrième fois consécutive également, lors du Conseil européen du 14 décembre prochain. En effet, Athènes utilise la politique d’élargissement dans un bras de fer bilatéral avec son minuscule voisin, sans que l’UE ne trouve à redire de cette nationalisation d’une politique commune de la part d’un maillon, actuellement plutôt faible, des 27.
Vu des Balkans, on peut rapidement soupçonner l’UE de pratiquer le « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Malgré les dysfonctionnements réels et profonds, difficile alors de s’entendre exhorter à régler les différends bilatéraux avant d’entrer dans l’UE. Difficile aussi de se faire enjoindre à plus de réformes et de progrès quand les deux pays les plus à la traîne de la région sont justement sous supervision européenne. Pire encore, la libéralisation des visas, qui marquait la fin de l’ostracisme et de l’isolement des ressortissants des Balkans, vient d’être remise en cause par des États membres, alertés par l’afflux de demandeurs d’asiles pour la plupart issus des minorités roms.
Selon son rapport, Bruxelles souhaite que la politique d’élargissement se poursuive après l’entrée de la Croatie en 2013. La bonne nouvelle pour la stabilité des Balkans et donc des frontières de l’UE, c’est que les pays de Balkans n’y aient pas encore renoncé.