ANALYSES

Le porte-avion chinois Liaoning : « un tigre de papier »(1)

Tribune
12 octobre 2012
Acheté en 1998 par une société écran chinoise qui prétend en faire un casino flottant, il quitte les chantiers navals ukrainiens sans armement, ni propulsion, ni électronique. Depuis, la marine chinoise s’est activée pour le rendre opérationnel. Le 11 août 2011, une première sortie en mer est organisée. Des photos satellites montrent son retour en cale quatre jours plus tard sans que les médias chinois n’évoquent l’incident. Fin novembre de la même année, le porte-avion reprend la mer pour de nouveaux essais. Un problème majeur demeure. Le site rusnavy.com révèle que l’ancien Varyag ne dispose pas de dispositif d’arrêt pour les appontages. En 2007, des contacts eurent lieu entre les autorités chinoises et l’usine russe ProletarskyZavod qui fabrique ces dispositifs pour la marine russe. La vente est bloquée par Rosoboronexport qui gère l’exportation de matériel militaire en Russie. Ce dispositif considéré comme « technologie stratégique » ne peut être vendu à un pays étranger. Depuis, la Chine a essayé de se tourner vers l’Ukraine et les chantiers navals de la Mer noire où a été assemblé le porte-avion mais en vain. Les autorités de Kiev qui cherchent un modus vivendi avec le voisin russe ne veulent pas créer un nouveau prétexte de tension. Le refus de Moscou est sans doute également motivé par la volonté de faire payer aux autorités chinoises la copie du Sukhoï Su-33(2), le Shenyang J-15 dont il n’existerait que des prototypes.

C’est la deuxième faiblesse majeure : il s’agit d’un porte-avion… Sans avions disponibles. L’armée populaire chinoise ne dispose pas à l’heure actuelle d’une flotte aéronavale embarquée. Des Sukhoï Su-30 sont utilisés pour la défense côtière mais ils ne sont pas conçus pour les catapultages et les appontages. Le J-15, destiné à être embarqué, est encore en phase de développement. Sans possibilité d’apponter et sans avions pour le faire, la formation des pilotes se déroule à terre sur une copie de la piste du porte-avion mais pas en conditions réelles.

Enfin, un porte-avion est un élément dans une stratégie militaire complexe qu’est la guerre aéronavale. Les entrainements du groupe aéronaval complet devront être nombreux avant d’atteindre une efficacité complète.

Sans avions, sans possibilité d’appontage et sans pilotes formés, le Liaoning ne représente pas aujourd’hui une grande menace pour le Japon ou pour les flottes américaines. Il s’agit avant tout d’un outil de politique étrangère dans la lutte pour le contrôle de la mer de Chine. Encore récemment, le 30 août 2012, alors que le porte-avion entamait son dixième essai en mer, le colonel Lee Jie, porte-parole de l’Académie des forces navales de Chine, annonçait que le test n’était pas concluant et que la mise en service interviendrait avant la fin de l’année mais que sa capacité opérationnelle ne sera pas atteinte avant 2017. Aujourd’hui, Pékin annonce 2015…

(1) L’expression est la traduction du chinois « zhi laohu ». Mao l’employa en 1965 pour parler des nationalistes chinois de Taïwan et des Etats-Unis.
(2) Le Sukhoï Su-33 est la version aéronavale du Sukhoï Su-27.

Sur la même thématique