20.12.2024
Espagne, 20 novembre 2011 : alternance électorale, alternance diplomatique ?
Tribune
25 novembre 2011
Le Parti Populaire, le 20 novembre 2011, est un vainqueur d’alternance. La question dés lors se pose de savoir si l’on va comme en 1977, en 1982, en 1996, et en 2004 au-delà du tourniquet au sommet de l’Etat, assister au déploiement d’une nouvelle politique extérieure.
La réponse aujourd’hui est moins évidente et pertinente qu’elle ne l’a été. Tout d’abord en raison de la personnalité du vainqueur, Mariano Rajoy. Certes il a été ministre de José Maria Aznar, de 1996 à 2004. Certes comme lui il appartient au grand parti des droites espagnoles, le Parti Populaire. Pour autant, sa personnalité et ses options ne sont pas superposables à celles de son mentor d’hier. En bon Galicien ayant les pieds sur terre, Mariano Rajoy s’est peu découvert au cours de la campagne électorale passée. Personne ne saurait dire avec précision ce qu’il pense et donc ce qu’il va dire, à Bruxelles, à Washington, à La Havane ou à Jérusalem et Rabat. Cette incertitude ne vaut pas consentement pour les politiques pratiquées hier par José Maria Aznar qu’il pourrait réactiver. Elle reflète la prudence d’un personnage profondément conservateur et donc peu enclin aux comportements rupturistes. Elle reflète un état des lieux espagnol qui ne laisse plus beaucoup de marge à l’action des responsables gouvernementaux, quelle que soit leur couleur idéologique.
L’Espagne a en effet été déclassée internationalement par la crise économique et financière qui l’affecte depuis 2008. Le décrochage a été brutal et spectaculaire. Certes l’Espagne n’a pas été victime de coups d’Etat bancaires comme la Grèce et l’Italie, désormais gérées par les portes-paroles de leurs créanciers internationaux. Mais, en quelques mois, elle a pourtant perdu influence et souveraineté. L’Allemagne lui a imposé la rigueur budgétaire, inscrite sen septembre dernier selon la formule consacrée par le discours dominant, comme « règle d’or » dans sa Loi fondamentale. Les Etats-Unis ont monnayé leur soutien contre une participation au bouclier anti-missile, concédée en catimini à Bruxelles, au mois d’octobre, par le président Zapatero. Les Latino-américains de plus en plus attirés par les sirènes asiatiques ont boudé le dernier sommet avec l’Espagne pourtant organisé au Paraguay, également en octobre 2011. Quant aux printemps arabes, ils ont été suivis de loin par une Espagne contrainte par ses problèmes intérieurs. Tout au plus a-t-elle envoyée quatre avions participer à la surveillance de l’espace aérien libyen.
Un tel contexte ne prédispose pas aux aventures extérieures. Le programme électoral du Parti Populaire est très bonnet blanc et blanc bonnet. Il est vrai que les rétro pédalages diplomatiques du gouvernement Zapatero ont été approuvés par le Parti Populaire, qu’il s’agisse de la « règle d’or », comme de la participation au bouclier anti-missile des Etats-Unis. La chaise vide pratiquée par l’Amérique latine au dernier sommet ibéro-américain en revanche l’a préoccupé pour des raisons de prestige national plus que de grande politique. L’Espagne doit en effet en 2012 accueillir à Cadix la prochaine sauterie transatlantique. Il y a enfin la crise. Les marchés s’impatientent et exigent de Mariano Rajoy ce qu’il a refusé de dévoiler à ses adversaires et aux Espagnols pendant la campagne électorale. Comment va-t-il réduire les déficits et relancer une économie exsangue ? Toutes choses supposant des capacités hors pair de slalomeur diplomatique interdisant tout écart de langage à l’égard de l’Allemagne, comme des Etats-Unis, de la France ou de la Chine, voire de Cuba.
Le silence d’aujourd’hui n’est donc que la traduction de la réalité d’un décrochage international espagnol. Il ne permet aucun écart avec le passé immédiat. Exit donc l’atlantisme des années Aznar qui a pratiquement disparu du tableau de bord programmatique. Il n’est resté à Mariano Rajoy qu’un recours tribunicien ayant couvert d’un manteau d’ambigüités les contraintes du jour. L’Espagne devrait selon ses propos de meeting retrouver sa place d’abord en Europe, ensuite en Amérique latine et en Méditerranée. La revendication est fondée. Le constat de l’érosion diplomatique espagnole est incontestable. Mais ce repli diplomatique est le reflet d’une réalité économique et financière qui s’impose aujourd’hui à Mariano Rajoy et au Parti Populaire, avec la même évidence qu’à José Luis Rodriguez Zapatero et au PSOE hier. Sauf à pratiquer le discours diplomatique grandiloquent et quichottien qui était celui de la diplomatie franquiste.