13.12.2024
« Aujourd’hui, une famine dans un pays ne s’explique pas sans la présence d’un conflit »
Tribune
1 août 2011
Ce drame s’explique par la conjugaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la Corne de l’Afrique est frappée par une sécheresse sans précédent depuis 60 ans, qui est liée à une importance diminution de la pluviométrie. D’autre part, cette région comprend de nombreuses zones de conflit. La Somalie en est un exemple évident. Les répercussions de ce conflit se font largement sentir dans les pays voisins, notamment, à travers l’accueil des réfugiés. En effet, le plus grand camp de réfugiés du monde se trouve au Kenya, à Dadaab où plus de 400 000 personnes y vivent alors que ce camp a initialement été créé pour accueillir 90 000 réfugiés. La défaillance des pouvoirs publics dans cette région n’améliore guère les choses, particulièrement dans un contexte de flambée des prix alimentaires mondiaux et de répercussion de cette hausse sur des populations dont une grande partie se trouve en deçà du seuil d’extrême pauvreté (moins de 1,25 $ jour). Aujourd’hui, ces différents facteurs s’enchevêtrent, menaçant la vie de plus de dix millions de personnes.
Pourquoi les crises alimentaires et humanitaires sont-elles finalement endémiques dans cette région ?
Les différents facteurs que nous avons évoqué plus haut se révèlent être assez récurrents dans cette région. La Corne de l’Afrique traverse régulièrement des périodes de fortes sécheresses. Sur ces dernières années, on a pu observer une réelle amélioration au Kenya, ainsi qu’en Ethiopie dans une moindre mesure. En revanche, la Somalie reste tout aussi vulnérable et sujette aux crises alimentaires comme humaines. Ces dernières sont renforcées par l’insécurité dans laquelle se trouvent les producteurs (agriculteurs et éleveurs) tout comme les intermédiaires ou les ONG humanitaires.
Face à cette sècheresse meurtrière, pourquoi la communauté internationale semble tarder à réagir ? L’Union africaine a-t-elle en particulier un rôle à jouer ?
Bien que plusieurs ONG soient présentes sur place, à l’instar du Comité international de la Croix-Rouge, la communauté internationale a réagi avec beaucoup de retard comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de causes disposant d’une faible couverture médiatique. De plus, dans certains pays, l’action extérieure est rendue extrêmement difficile. En Somalie, par exemple, les Shebab avaient exclu en 2009 toute ONG humanitaire du territoire somalien. L’augmentation de l’aide alimentaire doit ainsi être une priorité et doit passer notamment par le développement des importations alimentaires. Le Kenya, allant contre ses principes, a décidé d’importer du maïs transgénique afin d’en fabriquer de la farine mais non des semences pour les agriculteurs. Il faut privilégier, désormais, des politiques qui stabilisent les prix alimentaires et qui garantissent des subventions pour les produits de première nécessité, pour que les populations les plus pauvres puissent y avoir accès.
S’agissant de l’Union Africaine (UA), on ne peut pas dire que celle-ci soit très présente, dans un contexte où cette organisation est actuellement empêtrée dans la guerre en Libye. L’UA n’a jamais eu de positions fortes sur un grand nombre de drames qui concernaient l’Afrique et notamment les crises alimentaires.
En sus d’être un Etat failli, la Somalie semble être le pays le plus gravement touché par la crise alimentaire. Quelle est la situation ?
La situation en Somalie se révèle être la plus grave. Non seulement, ce pays est confronté à une absence d’Etat mais il est également divisé en trois sous-ensemble : le Somaliland, le Puntland et la région de Mogadiscio où le gouvernement en place n’a pratiquement pas de pouvoir. Les Shebab sont également traversés par des lignes de fractures allant jusqu’à l’extrémisme et à des positions proches d’Al-Qaïda pour les islamistes les plus radicaux. La Somalie doit ainsi composer avec ces derniers qui dominent l’essentiel du territoire, à l’exception de Mogadiscio. En 2009, ces derniers, se déclarant à même d’assurer la sécurité alimentaire de leur population, avaient obligé les ONG humanitaires à quitter le territoire en raison de leur affiliation supposée pro-occidentale et anti-islamiste. Dernièrement, les Shebab sont revenus sur leur décision et ont accepté le retour des ONG, témoignant ainsi de la gravité de la situation en Somalie.
*Entretien réalisé le 15 juillet 2011.