ANALYSES

Guerres : France insouciante ?

Tribune
8 avril 2011
Par [Pierre Verluise->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=verluise], directeur de recherche à l’IRIS
“Il fait beau, il fait bon”

Alors que les soldats français sont engagés dans trois opérations différentes mais difficiles, le temps est superbe sur la métropole. Sur les Champs Elysées les touristes abondent. Les petites jupes d’été sont déjà de sortie, avec de grandes lunettes de soleil qui donnent des airs de vedette. En quelque sorte, “Il fait beau, il fait bon”, comme le chantait Claude François (1939-1978)… Et il fait chaud. Pour les Français comme pour les touristes qui descendent en ce moment les Champs, l’évènement ce sont deux chevaux qui portent chacun un représentant de l’ordre, comme à New York. La photo est belle.

Pourtant la France a perdu son 55e soldat en Afghanistan, l’adjudant chef Bruno Fauquembergue, le 24 février. Et l’opération en Libye commence déjà à sembler longue. Plus ou moins inquiète du massacre des populations civiles libyennes, une partie de l’opinion française s’imaginait peut-être que ce serait l’affaire d’un week-end, une formalité en quelque sorte. Quant à l’affaire ivoirienne, on peut dire que la situation a mis du temps à se décanter. Et les soldats français ont finalement été amenés à faire usage de leurs armes.

Quelle place donner à la guerre ?

Comment comprendre l’étonnante insouciance d’une partie significative de l’opinion publique française à l’engagement simultané des militaires français dans trois opérations de guerre ? Alors que chacun de ces conflits pourrait produire des effets sur le territoire national. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici deux raisons.

D’une part, le pouvoir politique lui-même n’est pas très à l’aise au sujet de ces opérations, particulièrement en Afghanistan. Comme beaucoup d’Européens, les Français ne sont pas convaincus par les buts et les résultats de l’opération à laquelle leurs soldats participent en Afghanistan. Alors, mieux vaut ne pas trop en parler. Autrement dit, “moins on en parle, mieux c’est.” Paradoxe pour une armée qui a découvert – tardivement – les nécessités de la communication.

D’autre part, la fin du service militaire obligatoire, annoncée en 1995 par président Jacques Chirac puis mise en oeuvre très progressivement, a eu pour corolaire la professionnalisation des armées. Ce ne sont donc pas des appelés qui sont exposés au feu mais des engagés. Peut-être une part de l’opinion se sent-elle alors moins directement concernée. Il est vrai que les tentatives pour entretenir le lien Armée Nation, dont la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) ont été peu convaincantes.

Les soucis ne manquent pas

En fait, l’insouciance des Français n’est qu’apparente. Outre que certains peuvent se sentir concernés par les engagements en cours, beaucoup s’inquiètent pour leur emploi et l’avenir de leurs enfants. Et ne voient peut-être pas très clairement les liens – si ils existent – avec ces trois engagements militaires.

Article publié en partenariat avec Global Brief.
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