19.12.2024
La réforme de la gouvernance mondiale : une priorité de la présidence française des G8 et G20
Tribune
17 janvier 2011
Pour autant, l’ambition française en matière de réforme de la gouvernance mondiale ne saurait se résumer à la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et à la pérennisation/institutionnalisation du G20. Si la réforme de la gouvernance mondiale s’est légitimement imposée comme une priorité de la présidence française des G8 et G20, l’approche demeure par trop stato-centrée. Elle dénote une conception classique du système international, fondé sur une logique interétatique. Si cette stratégie reflète une volonté plus générale de reprise en main de la mondialisation par les Etats, la réforme de la gouvernance mondiale suppose plus d’audace et d’imagination. Des traits qui dit-on sont caractéristiques du « génie français ». La gouvernance mondiale ne peut plus reposer sur le seul principe des relations directes ou indirectes (par le biais des organisations internationales) entre Etats souverains. Il faut créer des espaces publics mondiaux de débat citoyen. La société civile a un rôle déterminant dans l’institution d’une communauté mondiale démocratique. La prise en compte des revendications démocratiques des sociétés civiles passe par la définition des modalités d’une telle participation active des citoyens. La pensée habermassienne sur la démocratie – qui conçoit l’espace public au-delà du territoire politique/électoral national – met précisément l’accent sur la qualité de l’information et des processus délibératifs qui débouchent sur la prise de décision. Ce critère offre une perspective pertinente pour renforcer la légitimité et donc démocratiser la « gouvernance mondiale » en l’absence même de toute légitimité électorale. Il convient ainsi de concevoir un lieu de représentation de la société civile mondiale, une sorte de « parlement mondial », ou du moins une structure délibérative dont il faut veiller à la légitimité, et dont les positions – exprimées sous diverses formes, allant du simple avis consultatif (obligatoire ou non) à l’avis conforme (qui vaut co-décision) – devraient être prises en compte par les institutions interétatiques. De manière plus réaliste, il est possible d’intégrer plus formellement les ONG – qui ne doivent pas être issues exclusivement du monde occidental – dans les procédures de décision et de contrôle de ces mêmes institutions multilatérales. Les ONG ont démontré leur faculté à politiser et expliciter les enjeux de questions apparemment techniques. Leur action a contribué à révéler un certain désordre international et les vides politiques qui ne sont pas comblés par la coordination des institutions multilatérales.
Au-delà de l’avènement de problèmes globaux, la crise financière et économique a montré les lacunes et défaillances d’un dispositif hérité de l’après Seconde guerre mondiale, qui avait semble-t-il cédé au discours de l’autorégulation des marchés. Ce « manque » de gouvernance » est prolongé et aggravé par une « absence » de gouvernance dans des pans entiers des relations internationales. Certaines questions ne font pas l’objet d’une action collective à la hauteur de leur importance globale. La focalisation sur les problèmes monétaires et commerciaux contraste avec les carences politiques, normatives, institutionnelles et financières dont pâtie la gouvernance en matière de protection de l’environnement, de diversité culturelle, de production de normes sociales, de sécurité alimentaire, etc. Ce décalage interroge la fonction du politique dans un « monde-marché » globalisé.