ANALYSES

Le G20 surclasse définitivement le G8

Tribune
14 novembre 2010
Dans le désordre des multiples initiatives qui se sont déclenchées dans les quelques jours qui ont précédé le sommet de Séoul, on compte la rencontre entre Nicolas Sarkozy (la France présidera le G20 après le sommet de Séoul) et Hu Jintao ; la tournée de Barack Obama dans quatre pays d’Asie, qui sont accessoirement tous les quatre membres du G20 ; Le Premier ministre britannique David Cameron qui se fait remarquer en Chine en brisant la glace de la nature du régime comme frein à son développement ; la mini-révolution du FMI avec l’annonce de la réforme du poids des différents membres, renforçant les puissances émergentes et faisant passer la Chine au troisième rang ; et les propos du président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, qui émet l’idée de refaire de l’or point de référence international des anticipations du marché pour l’inflation, la déflation et la future valeur des devises.

Ces multiples manœuvres confirment à quel point le G20 est devenu le lieu de référence, et là où les sommets du G8 se sont illustrés pour la vigueur des mouvements alter-mondialistes et leur incapacité à incarner l’ensemble des régions de la planète, ce groupe élargi semble plus conforme aux réalités d’un monde multipolaire, et qui doit désormais tenir compte de la voix des BRIC, et de ceux qui seront amenés, dans les prochaines années, à jouer un rôle de plus en plus important. A cet égard, l’entrée récente de l’Indonésie, archipel gigantesque et quatrième population mondiale, dans le club est un bon indicateur du rééquilibrage, voire du basculement du monde auquel nous assistons, et dont le G20 se fait l’écho.

Reste à savoir si ce groupe se montrera plus efficace que le G8. Les défis sont grands, les rivalités très fortes, et on risque de voir à Séoul se dresse deux mondes avec des modèles de développement différents, mais aussi des réalités qui ne sont pas les mêmes. Car c’est l’autre particularité du G20 : les membres ne sont pas nécessairement unanimement d’accord sur la marche à suivre et sur les réformes à engager. On y débat, on se dispute même, et la photo de famille, qui semble parfois être le seul intérêt des sommets du G8, est ici totalement accessoire. Il était nécessaire de mettre sur pieds un groupe capable d’apporter des réponses à la crise, et le G20 semble être le plus qualifié. A condition toutefois que les désaccords n’empêchent pas l’adoption de plans d’action, que les rivalités ne soient pas un gage de division, et que ceux qui pèsent le plus lourd, les Etats-Unis et la Chine, ne réduisent pas cette enceinte à un règlement de compte, comme ils le font à l’OMC. Bref, tout dépendra de la façon dont se déroulera ce sommet, et on pourra soit se souvenir de Séoul comme du lieu où les puissances ont enfin trouvé des solutions, soit comme la ville où Washington et Pékin ont fait entrer le monde dans une nouvelle ère, celle de leur confrontation sur tous les plans.


Barthélémy Courmont est Docteur en science politique, directeur associé, sécurité et défense, à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM, chercheur associé à l’IRIS et rédacteur en chef de la revue Monde chinois. Il vient de publier ‘Géopolitique du Japon’ aux éditions Artège.
Article publié en partenariat avec Global Brief.


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