ANALYSES

La guerre froide est finie, la course aux armements continue.

Tribune
19 octobre 2010
En apparence un système de défense antimissile pourrait satisfaire les opinions publiques. N’est-il pas en effet plus logique de se défendre en détruisant les missiles adverses que de menacer de se venger en répliquant à une attaque par une contre-offensive plus forte ? Protéger les territoires des pays de l’OTAN, par un système d’interception qui les mettrait à l’abri d’une attaque extérieure, devrait susciter l’adhésion de l’opinion. A y regarder de plus près, ce système pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Contrairement à l’enrobage médiatique qui est fait, il n’y a rien de nouveau. Les premiers projets d’un système de missiles antimissiles avaient été élaborés par les Soviétiques dans les années 60, les Américains les avaient immédiatement suivis et, sous l’impulsion de Kissinger, les deux superpuissances s’étaient mises d’accord pour conclure qu’il n’y avait pas d’avenir dans ce dispositif. Vouloir protéger entièrement leur territoire aurait conduit à un déploiement que même les superpuissances ne pouvaient pas se permettre. Pour dissuader un adversaire, il suffit qu’il craigne qu’un seul missile adverse puisse l’atteindre. Pour se protéger d’une attaque adverse, il faut que le système de défense arrête TOUS les missiles adverses. Par ailleurs Kissinger avait conclu que la vulnérabilité mutuelle était un gage de sagesse et de retenue sur le plan international. Un pays qui aurait eu l’illusion d’être à l’abri d’une attaque adverse, aurait pu être tenté par un aventurisme stratégique aux conséquences incalculables. C’est pour cela que le traité SALT 1, outre un plafond pour les missiles offensifs, en avait fixé un autre pour les missiles antimissiles.

Ronald Reagan avait en 1983, lancé son programme d’initiative de défense stratégique rebaptisé rapidement Star WARS. Il s’agissait de déployer dans l’espace et sur terre, grâce aux nouvelles technologies, un système de défense qui se voulait totalement hermétique. Une fois encore, on s’est aperçu que le coût initial du projet avait été largement sous-estimé et son efficacité potentielle démesurément surestimée. Renforcer le bouclier américain n’aurait eu de toute façon pour effet que de développer l’épée soviétique. Le projet fut donc une nouvelle fois mis de côté. Il ressortit à la fin des années 90, sous le titre de National missile défense. L’URSS n’existait plus mais c’était pour contrer une menace nord-coréenne que le projet était censé exister. Les Américains expliquaient qu’à très court terme leur territoire serait à la portée des missiles nucléaires nord-coréens et qu’il fallait donc se protéger. À l’époque le chancelier allemand Gerhardt Schröder s’était opposé à ce projet en disant qu’il n’avait pour effet que de relancer la course aux armements et d’antagoniser la Russie. C’était d’ailleurs la première fois qu’un chancelier allemand s’opposait à un programme stratégique américain majeur depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le projet fut de nouveau mis aux oubliettes.

George Bush fils allait relancer ce type de programme en le justifiant par la menace iranienne. Il avait, pour pouvoir le mettre en place, dénoncé le traité SALT1 en vigueur depuis 1972. Ce qui fait que, à ce jour, les deux seuls pays à avoir dénoncé un accord de désarmement, sont les États-Unis pour ce traité et la Corée du Nord pour le traité de non-prolifération. Il avait prévu de déployer une partie de ce système en République tchèque et en Pologne. Moscou considérait que ce projet, loin d’être purement défensif, pouvait être offensif à son encontre. Obama y a renoncé. Il estimait qu’il y avait mieux à faire que de crisper Moscou, dont il avait besoin de la coopération, notamment sur le dossier iranien. Par ailleurs, avait déclaré un de ses plus proches conseillers, « Pourquoi dépenser un argent que nous n’avons pas, pour des technologies qui n’existent pas encore, afin de contrer une menace dont on perçoit mal la réalité ? »

Deux ans plus tard, sous une forme encore une fois amendé, le projet ressurgit. Une fois encore on nous dit que cette fois-ci la technologie a fait des progrès qui le rende crédible. Une fois encore on s’apercevra que le coût a été extrêmement minoré et son efficacité restera sujette à caution. Et le moins que l’on puisse dire est que les analyses de la menace qui justifie ce programme est pour le moins rapide. Tout a changé sur le plan stratégique, mais c’est le même type de programme qui ressort avec un badigeonnage différent. La France initialement réticente ne fera pas obstacle au programme, comme l’avait fait Mitterrand par rapport à la guerre des étoiles dans les années 80, par souci de ne pas ouvrir un sujet de discorde avec Washington. Les industriels français espèrent également participer au programme.

Comme le chantait Léo Ferré : « Quand c’est fini ah ninini ça recommence ! »

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