ANALYSES

L’Allemagne unifiée depuis 20 ans, Chypre toujours divisée

Tribune
1 octobre 2010
Par [Pierre Verluise->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=verluise], directeur de recherche à l’IRIS
L’Allemagne, symbole de la division Est-Ouest

Après avoir été vaincue par les Alliés en 1945, l’Allemagne est divisée en 4 zones (Etats-Unis, Royaume-Uni, Union soviétique et France). La crise de Berlin conduit à la formation de 2 Etats en 1949, la République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’Ouest, la République démocratique d’Allemagne (RDA) à l’Est. En dépit de son nom, cette dernière n’a rien de démocratique puisqu’il s’agit d’une dictature communiste inféodée à Moscou. Et plusieurs millions d’Allemands de l’Est quittent la RDA en passant par Berlin, enclavée en RDA et elle-même divisée. Ce qui conduit la RDA et l’Union soviétique à y décider la construction d’un mur pour freiner cette hémorragie, en 1961.

La fin de la Guerre froide redistribue les cartes

Chacun se souvient que le 9 novembre 1989 la RDA décide l’ouverture du mur de Berlin, laissant un flot d’Allemands de l’Est partir à la découverte de la RFA. Le vingtième anniversaire de cet évènement symbolique du processus de l’ouverture du rideau de fer et de la fin progressive de la Guerre froide a été fêté l’année passé, notamment à Berlin, en l’absence de B. Obama. Alors que les Etats-Unis ont été au nombre des acteurs déterminants de l’épuisement et de l’éclatement du Bloc de l’Est. Dans les mois qui suivent l’ouverture du rideau de fer, les Etats-Unis et le chancelier allemand Helmut Kohl obtiennent de l’URSS que l’unification de l’Allemagne se fasse tout en restant dans l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

Le 3 octobre 1990, les élargissements non dits de l’OTAN et de la CEE

Les Allemands et leurs amis vont fêter le 3 octobre 2010 le vingtième anniversaire de l’unification de l’Allemagne, le 3 octobre 1990. Selon des modalités qui font encore débat, notamment en ce qui concerne la parité monétaire, la RDA se fond alors dans la RFA. Par la même occasion, l’OTAN et la Communauté économique européenne (CEE) s’élargissent sans faire de bruit. Il s’agit d’élargissements non dits et peu expliqués aujourd’hui encore. Une nouvelle fois, la géopolitique de l’Allemagne renvoie à l’évolution de la configuration géopolitique de l’Europe géographique. Divisée lors des débuts de la Guerre froide, l’Allemagne s’unifie à la fin de ce processus (1990).

En 2007, 21 membres de l’OTAN sont aussi membres de l’Union européenne

La fin de la Guerre froide rend possible de nouveaux élargissements de l’OTAN comme de l’Europe communautaire. Devenue l’Union européenne en 1993, celle-ci intègre dès 1995 la Suède, la Finlande et l’Autriche. Ces deux derniers pays ne seraient très probablement pas entrés à cette date dans l’Union européenne si l’Union soviétique n’avait pas implosé le 8 décembre 1991. L’Union européenne intègre en 2004 dix nouveaux pays, dont 8 pays d’Europe balte, centrale et orientale auxquels s’ajoutent deux îles méditerranéennes, Malte et Chypre. En 2007, l’UE intègre la Roumanie et la Bulgarie, portant ses effectifs à 27 pays membres dont 21 membres de l’OTAN.

Chypre divisée, un non dit symbolique d’une forme d’impuissance de l’UE

Peu avant le 1er mai 2004, un référendum organisé à Chypre en synergie avec l’ONU se solde par un résultat négatif dans la partie sud. Depuis 1974, sa partie nord est occupée par la Turquie, par ailleurs candidate à l’Union européenne. Seule la République de Chypre, au sud, est reconnue internationalement mais elle ne peut pas exercer sa souveraineté sur la partie nord… tout en étant membre de l’Union européenne. Cherchez l’erreur. Les dirigeants de l’UE espéraient que la division de Chypre “se réglerait, d’une manière ou d’une autre”. Six ans après, les faits démontrent le contraire. Alors que l’Union européenne s’apprête à fêter les 20 ans de l’unification l’Allemagne, elle a toujours un de ses membres dont la souveraineté est entachée d’une fâcheuse occupation. Une épine dans le pied de l’UE sur laquelle il convient de maintenir un silence assourdissant. Chut…

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