ANALYSES

La menace terroriste s’invite aux Jeux du Commonwealth

Tribune
27 septembre 2010
Par Romain Bartolo, assistant de recherche à l’IRIS, étudiant au sein du master en contre-terrorisme de la Monash University (Australie)
Dans l’attente de clarifications, huit des soixante-et-onze pays membres du Commonwealth ont retardé l’envoi de leurs athlètes. Leur sécurité est donc devenue une priorité à l’heure où les critiques fusent à l’égard du comité organisateur et du pays hôte. De plus, les différentes annonces proférées par des groupuscules extrémistes indiens corroborent le constat selon lequel les évènements sportifs médiatiques constituent de plus en plus des cibles de premier choix pour des terroristes en quête de publicité.

La mise en garde des extrémistes musulmans indiens

Dans un communiqué rédigé en hindi et envoyé à la BBC, le Mouvement des étudiants islamiques en Inde (SIMI), fondé en 1977, avertissait les autorités indiennes et les participants aux Jeux que la première quinzaine d’octobre pourrait s’avérer sanglante : « Nous vous mettons en garde, n’accueillez pas les Jeux du Commonwealth (…). Nous savons que les préparatifs battent leur plein, attention, nous aussi nous sommes en train de vous préparer une grande surprise ». Un avertissement pris très au sérieux par les délégations étrangères soucieuses pour la sécurité de leurs athlètes. La menace sur la sécurité des Jeux s’accompagne de revendications sur le Cachemire indien, une région à haut risque belligène théâtre d’une recrudescence des violences entre forces armées indiennes et des militants islamistes, causant une centaine de victimes depuis juin 2010.

Une volonté des autorités indiennes de calmer le jeu, en vain

Les hôtes ont rapidement tenu à rassurer spectateurs et athlètes que la sécurité serait renforcée aux endroits stratégiques durant la quinzaine, autour des installations sportives notamment. Les paroles rassurantes du ministre des sports, Dr M. S. Gill, semblent vaines. En guise de réaction, les autorités gouvernementales indiennes assurent de la présence de plus d’une centaine de milliers d’agents de sécurité sur les différents lieux de compétition ainsi qu’à travers la ville. Dans l’urgence et à moins de deux semaines du coup d’envoi, la police locale a diffusé publiquement une liste de 470 sites jugés à risque nécessitant une sécurité renforcée, et annonce dans le même temps l’installation à la hâte de caméras de surveillance et de la mise en place de cordons de sécurité cent mètres autour des sites. En complément des sites sportifs, la liste inclut également de nombreux endroits susceptibles d’accueillir des foules massives – gares, lieux à forte densité touristique -, afin de tenter de prévenir tout risque d’attentat sur des cibles qu’affectionnent particulièrement les terroristes djihadistes.

Cibler les grands évènements sportifs

La prise d’otage de la délégation israélienne par Septembre Noir lors des Jeux Olympiques d’été de Munich en 1972 illustrait pour la première fois l’attrait de la couverture médiatique mondiale en direct d’un évènement sportif pour des terroristes palestiniens en quête de publicité. Dans un passé plus récent, en 1996, l’attentat commis lors des Jeux Olympiques d’Atlanta par Eric Rudolph, militant américain anti-avortement et proche du mouvement de l’identité chrétienne, alimente ce constat. La dernière Coupe du monde de football organisée sur le sol sud-africain avait, elle, fait l’objet de menaces de groupuscules locaux sympathisants de l’idéologie d’Al-Qaïda et de son jihad global.

En quête de publicité

Parce qu’ils recherchent la publicité et entendent atteindre une audience au-delà du cadre local, les terroristes se servent de plus en plus de ses manifestations sportives à grande écoute pour se faire connaître et diffuser leurs revendications. Les militants du Mouvement des étudiants islamiques en Inde (SIMI) liés aux Moudjahiddines indiens luttent pour la conversion de la société indienne à l’islam sans hésiter à recourir à la violence indiscriminée. Les récents épisodes de violence au Cachemire apparaissent comme un prétexte utilisé par ce mouvement un temps interdit par le gouvernement indien en 2002 soupçonné de liens ténus avec Lashkar-e-Taïba , groupe extrémiste cachemiri responsable des attentats de Bombay en novembre 2008. Sur ce point là, il faut concéder le fait que les extrémistes indiens ont d’ores et déjà gagné. En plus de fragiliser le déroulement des Jeux qui n’est en soi qu’un moyen, ils sont parvenus à attirer l’attention des médias internationaux sur leur cause et leurs revendications, et rappellent que l’Inde est aussi la cible de terroristes locaux, tout comme son voisin pakistanais.

La question de la sécurité se superpose à une actualité déjà chargée à Delhi avec l’effondrement d’une passerelle piétonnière en cours de construction et des conditions sanitaires douteuses dans le village censé héberger les athlètes. Nul doute que les terroristes ont déjà réussi leur coup en faisant parler d’eux. Si l’Inde voulait faire de ces Jeux du Commonwealth une vitrine nationale comme le furent les Jeux Olympiques pour la Chine en 2008, ces récents évènements viennent fermement contrarier les aspirations d’un pays qui organise pour la première fois une manifestation sportive rassemblant plus de sept mille athlètes.

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