20.11.2024
Du « cas grec » au phénomène des « Etats sous contrôle »
Tribune
14 avril 2010
Des mécanismes d’examen systématique des politiques des Etats se sont multipliés avec le développement des organisations internationales et l’introduction des mécanismes par lesquels les organes de ces dernières sont appelés à apprécier le comportement des Etats membres au regard de leurs obligations. Les pouvoirs et les techniques d’inspection, de surveillance et de contrôle de l’organisation sur ses Etats membres se sont diversifiées et améliorées même si leur efficacité est variable et demeure le plus souvent problématique. Dans le cas de l’Union européenne, organisation d’intégration par excellence, le pouvoir de contrôle dévolu à l’organisation revêt un caractère particulièrement contraignant pour les Etats.
Quel que soit leur degré de perfectionnement, ces mécanismes ont pour trait commun d’avoir été institués pour encadrer et obliger les Etats dans le cadre « corporatif » particulier constitué par l’organisation internationale à respecter les règles qu’ils ont eux-mêmes librement élaborées et ratifiées. Aussi, ces mécanismes de surveillance et de contrôle ont généralement pour caractéristique d’opposer la collectivité des Etats personnifiés par l’organisation à un Etat membre individuel. En ce sens il s’agit d’un mécanisme inégalitaire dans lequel le corps collectif supposé représenter l’ensemble des Etats membres se pose en juge du comportement et de la responsabilité de l’un de ses membres considéré isolément. Ces mécanismes de contrôle – plus ou moins contraignants – sont confrontés à la réticence et à la résistance des Etats pour les accepter ou s’y soumettre. Conception stricte de la souveraineté étatique oblige.
Outre ce type de contrôle classique, la pratique internationale s’est enrichie d’un mode de contrôle qui tente d’échapper aux objections et aux résistances nationales invoquées au nom de la souveraineté de l’Etat. Ce « soft control » de type cognitif ou informatif consistent essentiellement dans la mise en place de mécanismes d’évaluation des politiques nationales au regard des objectifs de l’organisation. Cette approche plus souple et plus large ne vise pas la surveillance et la sanction des (in)actions étatiques au regard de leurs obligations juridiques. Il n’y aurait donc pas d’opposition entre la coopération internationale d’une part et les politiques publiques d’autre part mais une interaction permanente. Cette idée essentielle s’est manifestée très tôt au sein de l’OCDE, sans doute favorisée par l’homogénéité idéologique et économique qui a caractérisé cette organisation pendant la guerre froide. Elle transparaît également dans la pratique des rapports au sein de l’Organisation International du Travail. L’Union européenne, malgré son caractère particulièrement exigeant pour ses Etats membres – compte tenu de sa nature intégrative – semble également développer de plus en plus ce type d’approche. Une approche qui est de nature à dépasser une conception conflictuelle entre l’Union européenne et ses Etats membres et qui illustre une évolution de la souveraineté de l’Etat de plus en plus éloignée de sa conception originelle : absolue et sans limite.