14.11.2024
Une coupe du monde de foot pour les peuples dépourvus d’Etat
Tribune
16 décembre 2009
Les membres potentiels de cette organisation sont théoriquement tous les peuples qui ne sont pas représentés à la FIFA, l’association internationale des fédérations étatiques de football. Moins concurrente qu’antichambre de la FIFA, la NF-Board cherche à corriger les limites du découpage interétatique de la planète et rassembler les déshérités de la grande scène footballistique internationale.
Les règles d’admission de la FIFA ont longtemps été floues. Selon l’article 10 du statut de la FIFA, peut être admis à la FIFA « toute fédération responsable de l’organisation du Football dans son propre pays », pays étant compris comme « étant reconnu par la communauté internationale ». Toutefois, des entités non-souveraines comme la Palestine, le Pays de Galles, la Nouvelle-Calédonie ou les îles Féroé avaient été acceptées sur la base de l’accord donné par leurs fédérations respectives (la fédération française a autorisé l’adhésion de la Nouvelle-Calédonie en 2004). La Palestine fut quant à elle admise par la FIFA en 1998, à un moment où le Processus d’Oslo inaugurait de meilleures relations entre Palestiniens et Israéliens.
Aujourd’hui la FIFA a restreint les modalités d’adhésion et n’admet plus que les Etats officiellement reconnus par l’ONU. C’est ainsi que le Kosovo, Etat indépendant et reconnu par plus de 60 pays, s’est récemment vu refuser l’entrée à la FIFA. De façon générale, les minorités présentes sur plusieurs territoires étatiques comme les Lapons, les Kurdes ou les Arméniens, ainsi que les peuples qui sont des minorités à l’intérieur d’un Etat (Tchétchénie, Catalogne, Tibet, etc.), ne peuvent se faire représenter au sein de la FIFA et lors des grandes compétitions footballistiques.
Le nombre potentiel de ces laissés-pour-compte est vaste et peut regrouper des entités des plus farfelues avec des peuples à portée diplomatique conséquente. La République du Saugeais, et ses 3500 âmes nichées dans le Jura, ou le Sealand, ancienne plate-forme pétrolière dans les eaux territoriales de la mer du Nord occupée par une poignée de pirates issus de l’armée britannique, sont tous deux membres-associés de la NF-Board. Certaines micro-nations du Pacifique (Kiribati, Tuvalu, etc.) ont été déboutées par la FIFA car leur territoire ne contenait pas de terrain de football réglementaire, et sont autant de peuples mis à l’écart par le football international.
Toutefois les membres les plus éloquents au sein de la NF-Board sont ceux qui souhaitent utiliser le vecteur du foot pour afficher leurs spécificités culturelles ou politiques, et afficher leur séparatisme : parmi eux plusieurs régions françaises (l’Occitanie, la Provence, la Corse, la Bretagne) mais aussi le Tibet, le Kurdistan, le Sahara Occidental, la Tchétchénie, la Chypre du Nord ou la Casamance. La présence de ces dernières délégations donne à la NF-Board un rôle de caisse de résonance diplomatique de fait, même si le discours de la NF-Board se garde de toute dimension politique. Le but officiel est bien de donner à ces peuples délaissés par les organisations sportives (autant que par les organisations politiques interétatiques) une vitrine internationale, une occasion de jouer et de porter ses couleurs avec d’autres entités similaires. Ces territoires, dont souvent la nature ou la définition-même est un enjeu politique, trouvent ainsi l’opportunité de faire parler d’eux hors des canaux identitaires et médiatiques traditionnels.
Nonobstant l’apolitisme du discours officiel de la NF-Board, les tensions et enjeux qui sous-tendent les participations de certaines délégations peuvent être amenés à ressurgir et souligner la fragilité diplomatique du football international non-officiel. Par exemple la première VivaWorldCup (2006) devait avoir lieu en Chypre du Nord, contrôlée par l’armée turque depuis 1974 et reconnue par aucun Etat mis à part la Turquie. Mais les Chypriotes turcs refusèrent la participation des délégations kurdes et tchétchènes. La NF Board, réticente à toute forme de discrimination ou de décision politique, déplaça la VivaWorldCup en dernière minute à Hyères (Provence), tandis que les Chypriotes organisèrent un tournoi de leur côté et invitèrent le Groenland, le Tibet, Zanzibar et la Gagaouzie. Toutefois ce type de blocage diplomatique dans le monde sportif n’est pas plus fréquent sur le circuit alternatif du football non-étatique que dans le sport international officiel.
Lors de la conférence annuelle de la NF-Board à Paris, chaque délégation présente a tenu à rappeler son attachement à l’esprit pacifique et festif de la VivaWorldCup. Et malgré leurs restreintes budgétaires (chaque délégation doit elle-même trouver ses moyens de financement), les différents représentants se sont montrés enthousiastes à l’idée des prochaines rencontres internationales.
La nouveauté et les premiers échos positifs du football international non-officiel lui prédisent une plus grande médiatisation dans les années à venir. La première compétition VivaWorldCup date seulement de trois ans et la NF-Board compte déjà 19 membres affiliés et 9 membres provisoires. La prochaine VivaWorldCup se tiendra en 2010 à Gozo, petite île proche de Malte et des projets de tournois de football féminins et des compétitions pour enfants ont été mis en place lors de l’Assemblée de la NF-Board et seront concrétisés sous peu.
Symbole de ce succès du football non-étatique, une organisation concurrente vient de débarquer sur le marché de la représentation des peuples par le football : en août 2009 l’« International Football Union » a été créée au Portugal avec des objectifs et fonctionnalités similaires à ceux de la NF-Board. Deux entités ont à ce jour adhéré à l’IFU : Zanzibar et le Groenland.
(1) Info et actualité : http://twixtop.info/www/nf-board/