Est-il encore possible de dire non à la Chine ?
Tribune
24 novembre 2009
Déjà, en février dernier, lors de sa première visite officielle à l’étranger en temps que Secrétaire d’Etat, qui l’avait conduite en Asie orientale, Hillary Clinton avait laissé de côté la question des droits de l’Homme pour ne pas irriter ses hôtes à Pékin. Une attitude qui contrastait très nettement avec celle de son époux qui, au milieu des années 1990, n’avait pas hésité à émettre quelques critiques à l’égard du régime chinois lors de sa tournée en Asie quand il était président. Une attitude qui fut également critiquée par les défenseurs des droits de l’Homme aux Etats-Unis, qui avaient fait de Madame Clinton leur championne lors de la campagne présidentielle américaine, quand elle s’était opposée à la présence de George W. Bush à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin. Mais une fois dans l’administration, c’est bien la realpolitik qui s’impose.
On connaît la situation difficile dans laquelle Washington se trouve actuellement dans sa relation avec Pékin, mais les Etats-Unis sont-ils pour autant une exception sur ce point ? Certainement pas. Que ce soit du côté des puissances européennes, des pays émergents ou des voisins de Pékin, qui ne figurent pourtant pas sur la liste de ses meilleurs amis, on retrouve les mêmes réserves quand il s’agit de critiquer le régime chinois, et les mêmes difficultés à empêcher sa montée en puissance. D’autant que la réciproque est de moins en moins évidente. Rencontres avec le Dalaï Lama, commentaires sur la situation dans le Xinjiang, remarques sur la lenteur dans la mise en place des réformes… tout est prétexte à Pékin pour critiquer l’ingérence des puissances étrangères dans sa politique intérieure, et ces dernières cherchent de plus en plus à éviter de telles critiques. Difficile en effet de se mettre en travers d’un pays qui deviendra dans moins d’une génération la première puissance économique mondiale, et qui voit son influence se renforcer jour après jour. On parle désormais de soft power à la chinoise, et Pékin ne s’en cache d’ailleurs pas. Mais force est de constater que ce soft power s’appuie pour l’heure avant tout sur la difficulté de plus en plus grande que le monde entier éprouve à se mettre en travers de la Chine. C’est pourquoi le terme de sticky power (une puissance qui serait une sorte d’aimant), imaginé par le politologue américain Walter Russel Mead en 2004, trouve ici tout son sens. La Chine est un pays face auquel il est de plus en plus difficile de dire non.
Professeur invité et titulaire par intérim de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal (UQAM), Barthélémy Courmont vient de publier Chine, la grande séduction. Essai sur le soft power chinois , aux éditions Choiseul.