17.12.2024
Afghanistan : un week-end noir pour l’OTAN
Tribune
17 septembre 2012
Dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 septembre, les Talibans ont mené une attaque surprise de grande ampleur contre la plus grande base militaire américano-britannique dans la province du Helmand au Sud du pays, la base « Bastion » où se trouvait le prince Harry. Certes, ce n’est pas la première fois qu’une base militaire de l’OTAN est prise pour cible. Quelques jours avant, la grande base de Bagram était l’objet de tirs de roquettes qui ont fait des victimes parmi les soldats afghans et endommagé un hélicoptère. Mais, l’attaque de la base « Bastion » a surpris les états-majors de l’OTAN par son ampleur, son organisation et son efficacité. C’était une opération en commando « de type forces spéciales », reconnaissent-ils. Le bilan est impressionnant. Quatorze assaillants sur quinze ont été tués dans cette opération de suicide, avant d’infliger de lourdes pertes à l’OTAN : six avions de combat américains détruits, deux autres ayant subi des « dégâts significatifs », trois postes de ravitaillement détruits et six hangars d’avions endommagés. Deux soldats américains sont morts et neuf autres sont blessés.
Cette opération audacieuse se produit au moment où, depuis plusieurs mois, l’état-major américain annonçait une diminution des attaques des Talibans dans le pays, ce qui signifierait leur affaiblissement. Elle montre en réalité que les Talibans ne sont plus des paysans mal formés et mal équipés et qu’ils ne se lancent plus dans des opérations à l’aveuglette. La sophistication des opérations comme celle du Helmand est accompagnée par une communication de plus en plus efficace. Le choix du camp « Bastion » sur laquelle se trouvait le prince Harry et la date de l’opération (le porte-parole des Talibans a présenté cette attaque comme une réponse au film anti-islam « Innocence of Muslims ») confirment chez les Talibans leur maîtrise de la communication. Nous savions déjà que les Talibans utilisaient les réseaux sociaux, notamment Facebook, en créant de faux comptes et en utilisant des photos de jeunes filles attractives pour tromper les militaires et les ajouter comme « ami ».
La victoire des Talibans sur les forces alliées dans le domaine de la communication est due également aux erreurs de l’OTAN dans la guerre en Afghanistan. Au lendemain de l’attaque de la base « Bastion », et alors que le mouvement de protestation contre le film anti-islam gagne les rues de Kaboul et des grandes villes afghanes, l’aviation américaine a bombardé un village du Laghman dans l’Est. Au cours de ce bombardement, huit femmes ont été tuées et huit autres sont blessées. Sans le vouloir, les forces alliées apportent leur part au succès de la communication des Talibans.
Le week-end noir pour les forces de la coalition ne s’est pas limité à l’attaque de la base de Bastion. Samedi et dimanche, au cours de deux attaques distinctes, six autres soldats américains ont été tués dans ce que les Afghans appellent « le vert contre le bleu » : le vert étant les soldats afghans alors que le bleu désigne les soldats de la coalition, c’est ce que l’OTAN appelle « les attaques de l’intérieur ». Depuis le début de l’année 2012, cinquante soldats étrangers ont péri de cette manière. Même si les responsables de l’OTAN estiment que seulement un quart de ces attaques sont le fait des Talibans infiltrés, ce nouveau phénomène en progression constante inquiète l’état-major de l’OTAN. L’entraînement des forces de l’ordre afghanes est suspendu par les instructeurs américains, en attendant que le gouvernement afghan étudie plus minutieusement les dossiers des recrues. Mais, comment peut-on être certain de la loyauté des 350 000 recrues dont une grande partie porte tous les stigmates et les contradictions d’une société meurtrie et fragmentée ?
La victoire militaire contre les Talibans clamée ouvertement ces derniers temps n’est à l’évidence pas pour demain. Au contraire, l’extension des zones d’insécurité inquiète de plus en plus la population. Désormais, les voies de communication avec les deux provinces du centre, Bamiyan et Daykoundi, habitées par l’ethnie hazâra, et farouchement anti-Talibans, sont régulièrement coupées par les Talibans et les voyageurs y sont assassinés, sans que l’OTAN ou les forces afghanes puissent y instaurer la sécurité.