ANALYSES

Une réforme du droit des affaires, voulue par 17 pays africains, a désormais des conséquences sur la gestion des associations humanitaires françaises

Tribune
6 novembre 2024


Pour beaucoup, le continent africain est celui de tous les drames et de toutes les turpitudes. Il est vrai que les conséquences désastreuses des enjeux géopolitiques récents n’aident pas à changer de regard.

Pourtant à bien regarder, les pays africains ne sont à l’écart ni des mutations qui ont pour objet de moderniser les institutions et de mieux intégrer les acteurs politiques, économiques et sociaux dans un monde fortement globalisé, ni des aspirations démocratiques des citoyens.

Pour illustrer notre propos, il est proposé de regarder l’évolution du droit des affaires qui concerne les 17 pays africains ayant ratifié, entre 1994 et 2012, le traité de Port-Louis du 17 octobre 1993. Parmi ces pays figurent la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la République démocratique du Congo, le Burkina Faso, le Mali, le Niger ou encore les Comores.

L’harmonisation des systèmes juridiques est portée par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) créée en 1993. Certains observateurs y voient la patte de la Banque mondiale au sortir de la confrontation entre les blocs de l’Est et de l’Ouest pour s’adapter à l’ère de la mondialisation.

L’objectif posé par l’OHADA est « la facilitation des échanges et des investissements, la garantie de la sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises. Le droit issu de l’OHADA est ainsi utilisé pour propulser le développement économique et créer un vaste marché intégré afin de faire de l’Afrique un « pôle de développement ». L’harmonisation touche de nombreux domaines notamment le droit commercial général, les procédures d’apurement du passif, le droit des sociétés coopératives, le transport de marchandises par route, mais aussi les normes et obligations comptables, fiscales et financières, et depuis 2024 celles des associations à but non lucratif.

Autrement dit, les ONG françaises, quand elles interviennent dans la zone OHADA, doivent désormais établir autant de bilans, de comptes de résultat, de tableaux de flux financiers et d’annexes financières que de pays OHADA concernés. Ces formalités sont déposées auprès des autorités de chaque pays africain. En outre, les ONG sont soumises à des procédures d’audit sur le registre des dons, les états financiers et les rapports de gestion. Avant 2024, des éléments comptables et financiers existaient bien entendu, mais souvent de manière non normalisée et moins détaillée. Ces éléments étaient inclus dans les documents publiés en France, dans le rapport financier.

D’aucuns voient dans ces procédures un alourdissement de la bureaucratie qui pèse sur les ONG humanitaires, avec incidemment une augmentation des frais de gestion déjà critiquée par des donateurs privés. D’autres craignent une mise à disposition d’informations détaillées au profit d’États pouvant être enclins à instrumentaliser l’action humanitaire internationale.

Beaucoup saluent cet effort de formalisation qui ne peut qu’aider les ONG à piloter leurs interventions et à mieux rendre compte aux populations aidées et aux donateurs.

En tout état de cause, les mesures vont dans le sens d’engagements pris lors du Sommet humanitaire mondial de mai 2016 à Istanbul (Le « Grand Bargain ») par de grands donateurs et des organisations humanitaires, à savoir plus de « transparence » dans la gestion de l’aide et « davantage de soutien à destination des intervenants locaux et nationaux ».
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