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Kamala Harris à la convention démocrate : « Quand nous nous battons, nous gagnons »

Presse
23 août 2024
Lors de son discours d’investiture, très énergique, au soir du 22 août à la convention démocrate de Chicago, Kamala Harris a fait sien l’un des mantras de Michelle Obama : « Votre histoire, c’est votre pouvoir. » Dans une large première partie de sa prise de parole, elle a ainsi insisté sur le rôle et les ambitions de sa mère, Shyamala Gopalan, chercheuse spécialisée dans le cancer du sein, qui ont profondément marqué l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis. Et, sans surprise, les femmes ont, d’une manière générale, occupé une place très importante dans son discours : Harris a dénoncé les violences sexuelles, les lois anti-avortement qui menacent leur santé – et même, plus souvent qu’on ne le pense, leur vie –, sans oublier le fait que les femmes continuent d’être sous-estimées dans la société et en politique aux Etats-Unis. Et la candidate d’utiliser l’un de ses slogans favoris : « Faites confiance aux femmes. » Une manière d’appeler à leur mobilisation massive d’ici le 5 novembre, non seulement pour voter mais pour mener la campagne de terrain.

« Quand nous nous battons, nous gagnons » est une autre des formules de la candidate. Tout le discours était en effet ponctué d’appels à la combativité. Il en faudra aux démocrates pour l’emporter car, si Harris bénéficie d’une dynamique positive dans les intentions de vote, y compris dans les « swing states » (« Etats pivots »), la partie est loin d’être gagnée. Son avance est modeste sur Donald Trump. Portée par un état de grâce et un enthousiasme dont il est impossible de dire combien de temps ils dureront au-delà de la convention de Chicago, elle a remonté une partie du retard de Joe Biden dans certaines catégories issues des minorités, sans pour autant retrouver le niveau d’adhésion dont le candidat démocrate bénéficiait en 2020.

Il demeure une autre incertitude, pour Harris, celle du soutien que lui apporteront les seniors et l’électorat populaire blancs du « blue wall » (Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie, trois Etats qu’elle ne peut se permettre de perdre, sauf à « faire un carton » dans le Sud), qui ne font pas l’élection mais chez lesquels Biden avait un écho très favorable.


 

Ne pas « communautariser »


On peut être interpellé par ce souci de segmenter l’électorat, mais dans un scrutin qui, selon toute vraisemblance, se jouera dans les marges, Etat par Etat, un tel ciblage est indispensable pour chacun des deux partis. C’est pourquoi les références aux femmes, électrices, militantes, engagées associatives et communautaires, ne cesseront d’être au cœur de la stratégie de Harris, qui rappelle, depuis son élection comme vice-présidente, l’importance du mentorat et de la transmission (« être la première mais pas la dernière »). Et si elle laisse entendre que de nombreuses mesures de son programme ciblent les femmes (notamment en matière de santé gynécologique), la candidate veille cependant à ne pas « communautariser » sa candidature. Ainsi, la défense de la PMA bénéficiera à toutes et à tous.


Comme de tradition, elle a rappelé qu’elle serait la présidente de « tous les Américains », qu’elle ferait passer la nation au-dessus de son parti, et a promis de promouvoir l’unité sur les divisions de la société. Une allusion limpide à son adversaire. Son parcours, ses parents immigrés, engagés à gauche, qui se sont rencontrés dans les manifestations pour les droits civiques en Californie, ne font pas de Harris une idéologue. Elle reste une pragmatique, et entend en faire un point fort dans une Amérique certes polarisée politiquement mais pas majoritairement militante. Face aux injustices et aux dysfonctionnements de la société américaine, Harris a encore cité Michelle Obama : « Au lieu de vous plaindre, agissez. »

 

« Unité, liberté, espoir »


Le narratif des démocrates est triple : unité, liberté, espoir. En gros, avancer (le mot « forward » est à Harris ce que « hope » était à Obama en 2008). Chez les républicains, on insistera sur ce l’« illégitimité », la « dangerosité » et l’« incompétence » du tandem Harris-Walz, en particulier en matière de pouvoir d’achat et de risque de récession. Si, globalement, l’économie du pays se porte bien, le ralentissement de la création d’emplois, la relative baisse de la consommation et la diminution de l’investissement industriel ont constitué de mauvais indicateurs en juillet, que Trump, qui aime à dire que « les gens votent avec leur estomac », souligne déjà.


Harris n’a pas, à Chicago, déroulé tout son programme. Mais en matière de lutte contre l’inflation, elle insistera dans les prochaines semaines sur d’autres promesses, comme la baisse du prix des médicaments et l’annulation de la dette médicale des ménages. Il est un autre sujet sur lequel Trump entend attaquer Harris lors du ou des débats qui les opposeront en septembre : la sécurité et l’immigration. Au-delà des chiffres de la délinquance, en baisse aux Etats-Unis, qui ne convaincront pas l’électorat conservateur, le passé de procureure de Harris sera un atout. Elle pointera aussi les contradictions des républicains, qui ont récemment bloqué une loi bipartisane limitant drastiquement l’arrivée de clandestins aux Etats-Unis. Le plus dur reste à faire pour les démocrates. Mais l’élan est donné.
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