ANALYSES

Visite de Joe Biden en France : quel avenir pour la coopération transatlantique ?

Interview
10 juin 2024
Le point de vue de Marie-Cécile Naves
 


Pour sa première visite d’État de l’année 2024, Joe Biden s’est rendu en France, une première également depuis le début de son mandat. Un déplacement de cinq jours marqués par le 80e anniversaire du débarquement en Normandie, et l’hommage aux vétérans américains, mais aussi par un agenda politique important sur l’Europe, le multilatéralisme et la guerre en Ukraine. Reçu fastueusement par Emmanuel Macron à l’Élysée le samedi 9 juin, les deux hommes ont, au cours de cette visite, mis en exergue la proximité entre Paris et Washington. Quels sont les enseignements de la venue du président états-unien en France ? Quelle analyse peut-on faire sur les relations franco-états-uniennes et sur la coopération transatlantique plus largement ?  Éléments de réponse avec Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’IRIS, spécialiste des États-Unis.

 

Joe Biden et de nombreux chefs d’État européens se sont rendus en France afin de commémorer le 80e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944. Au regard du retour de la guerre sur le continent européen avec le conflit russo-ukrainien, de la présence du président Volodymyr Zelensky et des sommets du G7 et de l’OTAN à venir, quelle importance revêt cet événement quant à l’engagement de Washington vis-à-vis de ses alliés européens ?

Il est important pour ces chefs d’État de raconter et nourrir une histoire commune, celle des leçons du passé et de la force de valeurs partagées. Cela passe par des images, des symboles, des mots, qui sont performatifs. Le parallèle entre le combat contre l’Allemagne nazie et la défense de la liberté en Ukraine s’inscrit dans cette logique. Joe Biden dit par exemple : « Détourner le regard de l’Ukraine serait oublier ce qui s’est passé ici ». Il s’adresse aussi aux pays qui, dans le monde, ne comprennent pas le soutien de l’Occident à l’Ukraine contre la Russie et qui considèrent que cette politique est un deux poids, deux mesures quand on la compare à celle menée à Gaza. Un autre point commun relie la France et les États-Unis : l’extrême droite est (plus que jamais pour la France) aux portes du pouvoir.

En parallèle de cet événement, Joe Biden s’est entretenu avec Emmanuel Macron dans le cadre d’une visite d’État. Quel est l’état des relations entre Paris et Washington ? Comment cette relation se traduit-elle vis-à-vis des grands dossiers internationaux, tels que le conflit israélo-palestinien ?

Une visite d’État de cinq jours, pour le président américain, c’est beaucoup, en pleine campagne électorale. C’est une profonde marque de respect. Ce séjour est la réciproque de la visite d’État d’Emmanuel Macron à Washington, en décembre 2022. Mais au-delà de l’amitié, entre les deux pays, et de l’entente, entre les deux hommes, les dossiers géopolitiques sont nombreux et sujets à de fortes tensions : le protectionnisme, la défense des industries vertes et des voitures électriques, la concurrence avec la Chine, et bien sûr l’issue de la guerre en Ukraine et le conflit entre Israël et le Hamas où les désaccords ne sont pas absents, loin de là, par exemple sur la reconnaissance de la création d’un État palestinien et du calendrier de cette reconnaissance.

Où en est la bataille pour la prochaine présidence entre Joe Biden et Donald Trump aux États-Unis ? Dans quelle mesure le retour de Donald Trump au pouvoir pourrait-il fragiliser les relations transatlantiques ?

Joe Biden plaide pour les partenariats internationaux, pour le multilatéralisme (ce qui ne l’empêche pas, comme l’ensemble de ses prédécesseurs, de toujours privilégier les intérêts états-uniens, la persistance du protectionnisme en atteste), et pour le dialogue. Il n’est pas question pour lui de laisser tomber l’Europe face aux velléités conquérantes de Vladimir Poutine. « Il ne s’arrêtera pas à l’Ukraine », a dit le président américain. Donald Trump a, on le rappelle, promis de mettre un terme à la guerre en 24 heures, ce qui est une manière de dire qu’il mettra un terme au soutien à l’Europe s’il revient au pouvoir. Là-dessus, la perspective est limpide.

 
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