ANALYSES

États-Unis-Japon-Philippines : nouveau trident en mer de Chine ?

Interview
11 avril 2024
Le point de vue de Barthélémy Courmont


Quelques jours après des exercices navals menés conjointement en mer de Chine, dirigeants japonais et philippin sont accueillis à Washington ce jeudi dans le cadre d’un sommet tripartite sur les enjeux géopolitiques et de défense au sein de l’espace indopacifique. Face aux ambitions de Pékin, les États-Unis poursuivent leur politique d’influence et de dissuasion dans la région. Quels sont les objectifs de la politique états-unienne ? Comment se positionne la Chine ? Éléments de réponse avec Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS en charge du Programme Asie-Pacifique.

Cette semaine, Joe Biden reçoit les dirigeants japonais et philippins dans le but de resserrer la coopération militaire et économique entre ces États. Qu’est-ce que cela nous dit de l’actuelle politique états-unienne à l’égard de la zone indopacifique, qui a longtemps été une priorité ?

Cela nous rappelle déjà que le positionnement américain en Asie-Pacifique, renommé Indo-Pacifique, reste la priorité de Washington. C’est une constance depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en janvier 2009, qui n’a jamais été remise en question depuis. Différentes méthodes, actualité contrariée, etc. Tout cela n’a pas altéré la détermination des États-Unis à se repositionner dans la région, avec comme objectif de contrer la montée en puissance de la Chine.

Ce positionnement de Washington est multidimensionnel, mais il s’appuie surtout sur les partenariats stratégiques, et sur la volonté de composer des partenariats impliquant plusieurs acteurs, comme c’est le cas du QUAD ou d’Aukus. Face aux échecs d’un triangle Washington-Tokyo-Seoul que la défaite cuisante du camp présidentiel coréen aux élections législatives du 10 avril ne fait que confirmer, la Maison-Blanche se tourne vers les États dont les dirigeants partagent les perceptions. Ferdinand Marcos Jr. est le candidat idéal, compte tenu des tensions actuelles entre Manille et Pékin.

Il y a quelques jours, les Philippines ont organisé conjointement avec les États-Unis, le Japon et l’Australie des exercices navals en mer de Chine méridionale. Quels en étaient les objectifs ? Comment évolue la politique de défense de ces États au regard du contexte géopolitique régional ?

L’objectif affiché est toujours le même et se traduit en un mot : l’interopérabilité. Mais derrière cette dimension stratégique, c’est le message politique qui importe. Washington souhaite composer un front antichinois pour adresser un message à Pékin. Nous sommes donc dans une logique de dissuasion et de compétition.

Attention toutefois à ne pas mettre les partenaires asiatiques de Washington en difficulté, tant la crainte d’être pris en étau entre les États-Unis et la Chine est souvent exprimée. L’exemple sud-coréen est très significatif, mais c’est aussi très présent en Asie du Sud-Est.

Comment Pékin réagit-il face à ces percées américaines ? La Chine noue-t-elle également des alliances militaires ?

La Chine ne mise pas sur les alliances militaires en tant que telles, mais renforce ses dialogues bilatéraux en incluant un volet économique et des accords stratégiques. La méthode n’est donc pas la même, mais l’objectif rejoint celui de Washington dans une volonté de renforcer son influence auprès des partenaires régionaux.

Face à ces pressions, les États asiatiques doivent mettre en avant leur souveraineté et leur indépendance, et sur ce point, l’exemple sud-coréen est très instructif.
Sur la même thématique