18.11.2024
Mourir pour le Donbass ?
Édito
14 mars 2024
De façon assez ironique, un de mes plus vifs critiques, Patrick Cohen, faisait le même jour l’éloge de Gérard Araud pour son livre Nous étions seuls. Or, dans ce livre, Gérard Araud pourfend l’accusation rituelle de « munichois » dès que l’on veut négocier avec un État rival, en déconstruisant le mythe traditionnel sur les accords de Munich. Parlant de l’éditorial de Marcel Déat du 4 mai 1939 il écrit qu’on en a fait « le symbole de l’aveuglement des pacifistes, d’autant que son auteur sera un agent zélé de la collaboration ». Mais Gérard Araud écrit également « la question est cependant légitime. Londres et Paris s’apprêtent à faire la guerre pour Dantzig à la population entièrement allemande, dont le statut de ville libre n’est en rien indispensable pour la Pologne qui s’est dotée depuis 1919 du port de Gdynia. Sur le fond, Dantzig est sans doute le contentieux où les arguments de l’Allemagne sont les plus forts et où une concession aurait le moins de conséquences stratégiques. Grande-Bretagne et France se sont donc livrés pieds et poings liés au gouvernement polonais, qui refuse toute négociation avec l’Allemagne sur le sort de la ville libre. » On voit alors que le fait que Déat ait par la suite collaboré et trahi cache la question de la pertinence de son interrogation : était-il ou non pertinent de vouloir mourir pour Dantzig ? En réalité, la réponse était non. De même, faut-il, pour rétablir la situation, envoyer des troupes en Ukraine pour aider à reconquérir le Donbass, puisque c’est l’objectif de Volodymyr Zelensky ? La réponse de mon point de vue est non. Cela ne fait pas de moi un partisan de Vladimir Poutine, puisque je condamne la guerre et les crimes de guerre. Mais, quels que soient ses crimes de guerre, Vladimir Poutine n’est pas Hitler. Vladimir Poutine n’a pas comme objectif proclamé, revendiqué, de mettre en œuvre un génocide des juifs. Certes la Russie a des visées agressives à l’égard de la France, mais la différence fondamentale avec la situation 1939, c’est que la France a désormais l’arme nucléaire et elle a une dissuasion du faible au fort à l’égard de la Russie. De surcroit, autant elle était bien seule pour lutter contre l’Allemagne nazie, autant elle est déjà dans une alliance, l’OTAN.
« Mourir pour le Donbass » était une phrase certes provoquante mais qui posait la question centrale de dire « n’envoyons pas de soldats en Ukraine ». D’ailleurs, tous les dirigeants européens ont dit la même chose. On ne les a pas traités de pro-nazis, ni de nouveau Marcel Déat. Je constate que la population française pense la même chose puisque dans un sondage publié dans le Figaro, 74 % des Français se prononcent contre l’envoi de troupes. Depuis, le débat a eu lieu. Le président de la République est un peu revenu sur ses déclarations, tout en restant un ferme partisan de l’Ukraine, et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a reconnu qu’il n’était pas question d’envoyer des troupes combattantes au sol. On peut par ailleurs faire plusieurs constats : de nombreux Ukrainiens ne veulent pas non plus mourir pour le Donbass, beaucoup cherchant à échapper à la mobilisation. Les pays européens et les États-Unis ne veulent pas d’une confrontation directe avec la Russie et ne veulent pas non plus d’une guerre pour reconquérir le Donbass. Certes, l’armée ukrainienne est en difficulté et il faut l’aider à ne pas céder. Des armes, oui, des soldats, non ! Certes, la plupart des experts ont salué la fermeté du président français. Je continue pour ma part à penser qu’il serait dangereux d’envoyer des soldats français en Ukraine.