17.12.2024
Otan : « Donald Trump met en place un chantage pour obtenir plus de l’Europe »
Presse
15 février 2024
La présence des États-Unis en Europe est de leur propre intérêt
Ces déclarations ont créé un choc chez les Européens déjà angoissés de voir l’Otan menacée en cas d’élection de Donald Trump et qui voient leur pire cauchemar confirmé par ses déclarations. Qu’en est-il en réalité ? Lorsque Donald Trump était président, le lien transatlantique s’est affaibli et Donald Trump avait pris cette distance tant d’ailleurs avec les alliés européens qu’avec les alliés asiatiques des États-Unis – Japon et Corée du Sud.
On craint en Europe que son second mandat soit encore pire que le premier parce qu’il n’aurait plus rien à perdre et qu’il voudrait se venger de ces pays européens qui lui ont toujours préféré Joe Biden. Il y a un côté de vengeance personnelle aussi dans les menaces qu’il peut faire. Et ses électeurs se disent qu’il faut plutôt dépenser pour lutter contre l’immigration venue du Mexique que contre l’agression de l’Ukraine. En réalité, il y a une grande part de bluff chez Donald Trump. La réalité est assez différente.
Les États-Unis ne sont pas présents en Europe pour l’intérêt des Européens, ils le sont depuis toujours dans leur propre intérêt. Si les États-Unis sont venus en Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’était pour que l’Union soviétique ne contrôle pas l’ensemble du continent européen. Ils étaient là autant pour défendre leurs intérêts géopolitiques que la liberté des Européens.
L’influence américaine en Europe
Est-ce que ces intérêts géopolitiques ont beaucoup changé ? Non, évidemment le défi russe n’est pas comparable à ce qu’était le défi soviétique. Mais la présence américaine en Europe et le fait que les États-Unis garantissent la sécurité des pays européens contre une menace russe qui a beaucoup grandi depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, correspondent aux intérêts des États-Unis. En échange de cette protection, ils bénéficient d’une influence considérable dans tous les domaines – politiques, commerciaux et stratégiques.
On constate, depuis le début de la guerre en Ukraine, que leur influence en Europe s’est encore renforcée quand elle s’affaiblissait dans le reste du monde. Si Donald Trump avait de réelles velléités de rompre ce lien, le Pentagone, le département d’État, la CIA et tous les services de sécurité des États-Unis n’hésiteraient pas à lui rappeler cette réalité : les États-Unis bénéficient beaucoup plus de ce lien transatlantique qu’il ne leur coûte, ne serait-ce qu’en ventes d’armes. Les achats d’armes des pays européens en dehors de la production nationale l’ont été à hauteur de 63 % auprès des États-Unis.
Garantir la sécurité des Européens est un atout formidable pour les États-Unis. Donald Trump va certainement user du chantage auprès des pays européens pour qu’ils dépensent plus – en achetant du matériel militaire américain et aussi en réduisant ainsi le déficit commercial des États-Unis – sous menace de suspendre l’engagement américain. Face à ces dernières, les pays européens auraient le choix d’affirmer leur volonté d’autonomie et donc de se passer du soutien américain. Mais le climat de crispation et de crainte face à la Russie pour un certain nombre d’entre eux, et notamment les pays de l’Est, les pousse plutôt à chercher à tout faire pour que les États-Unis maintiennent leur lien stratégique avec l’Europe.
Il ne faut pas oublier qu’au cours de la présidence de Donald Trump, la Pologne était prête à payer deux milliards de dollars aux États-Unis pour construire une base militaire qui aurait été baptisée « Fort Trump ». La peur de la Russie et le sentiment depuis assez longtemps de docilité par rapport aux États-Unis l’emportent. Donald Trump a toujours parié sur l’art du deal et de la négociation. Il met là en place un chantage pour obtenir plus de la part des pays européens. À ces derniers de choisir s’ils en concluent que l’autonomie stratégique européenne est de ce fait un choix moins risqué, ou s’ils satisfont les exigences de Donald Trump pour conserver le parapluie américain.
Une tribune pour La Croix