18.12.2024
« La situation à Gaza offre un véritable argument à Vladimir Poutine à l’encontre des Occidentaux »
Presse
4 janvier 2024
2023 a été une année catastrophique pour les affaires géopolitiques. La guerre entre la Russie et l’Ukraine, commencée l’année d’avant, se poursuit et a été relayée par la guerre entre Israël et le Hamas qui a éclaté le 7 octobre.
L’effondrement de l’armée russe espéré n’est pas survenu. Evgueni Prigojine, le chef de la division Wagner, qui a mis en cause ouvertement l’autorité de Vladimir Poutine, est mort, officiellement accidentellement. Le pouvoir de Vladimir Poutine est désormais encore plus fermement établi sur la Russie. Les Occidentaux, qui ont décidé de se retirer de Russie pour la sanctionner, lui ont permis de récupérer 100 milliards de dollars d’avoirs abandonnés pour pratiquement rien et que le pouvoir russe a pu redistribuer à des proches. La contre-offensive ukrainienne, lancée à l’été 2023, a échoué.
Le plus probable dans ce contexte est certainement que la situation sur le plan militaire se fige – permettant à la Russie de conserver une partie du territoire ukrainien. Cela constitue pour les Occidentaux une lourde défaite puisqu’ils ont eux-mêmes affirmé qu’ils perdraient leur crédibilité si l’Ukraine perdait la partie et que, par défaut, Poutine gagnait la guerre.
La question ukrainienne fait par ailleurs l’objet d’un intense débat aux États-Unis, où républicains et démocrates s’écharpent pour savoir s’il faut continuer ou non à aider l’Ukraine de façon massive. La Maison-Blanche continue de soutenir massivement Kiev, mais si Donald Trump était amené à revenir au pouvoir l’an prochain, l’aide américaine à l’Ukraine serait bel et bien suspendue.
Vladimir Poutine va pouvoir, d’un point de vue communicationnel du moins, triompher. La grande erreur des Occidentaux est d’avoir confondu le souhaitable (la défaite de la Russie) et le possible. Or, les ratios démographiques sont en faveur de la Russie : il y a quatre fois plus de Russes que d’Ukrainiens. L’industrie russe de la défense tourne à plein régime, et bénéficie du soutien de l’Iran et de la Corée du Nord.
La Russie est certes affaiblie par le départ de nombreux Russes qui ont fui la répression et la mobilisation. Elle est coupée du monde occidental uni contre elle mais elle conserve en revanche des cartes à jouer dans ce qu’on qualifie de « Sud global ». On peut dire que la guerre de Gaza est venue jouer en faveur de son agenda.
Le droit inconditionnel d’Israël à se défendre
En effet, le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé des attentats meurtriers contre Israël, qui s’est lancé dans une vaste opération militaire à Gaza pour éradiquer le Hamas. En procédant à des bombardements massifs qui ont déjà fait plus de 21 000 morts et créé une situation humanitaire catastrophique. Gaza est un cimetière d’enfants. Si rien n’excuse les attentats du 7 octobre, rien n’excuse non plus les bombardements massifs et aveugles sur les populations civiles par ailleurs soumises à un blocus.
Cette situation au Proche-Orient offre un véritable argument à Vladimir Poutine à l’encontre des Occidentaux. Ces derniers n’ont en effet cessé de demander aux pays du Sud global, aux pays non occidentaux, de prendre des sanctions contre la Russie qui avait acquis les territoires par la force et bombardé des populations civiles, ce qui est interdit par le droit international. Mais les mêmes pays occidentaux reconnaissent le droit inconditionnel d’Israël à se défendre alors qu’Israël occupe aussi des territoires et a également bombardé des populations civiles.
L’isolement occidental
Il y aura un avant et un après-7 octobre dans l’opinion israélienne, qui a été meurtrie. Elle pensait vivre dans un sanctuaire à l’abri des coups et s’est aperçue que ce n’est pas le cas. Ces attaques ont constitué un indéniable choc pour Israël. Mais il y aura aussi un avant et un après-guerre de Gaza, parce que les images des populations civiles palestiniennes à Gaza sous les bombardements israéliens que nous voyons désormais sont peut-être moins visibles dans le monde occidental mais sont largement diffusées dans le monde entier et marqueront également les consciences collectives.
Dans les deux cas, à des degrés divers, il y a une différence d’appréciation entre les pays occidentaux et les pays non occidentaux. Les premiers condamnent la Russie et soutiennent Israël. Les seconds estiment qu’il est tout à fait anormal de condamner la Russie et de ne pas condamner Israël pour les bombardements des populations civiles. Cette différence de perception grandit et isole le monde occidental du reste du monde.
Publié par La Croix.