« Les États-Unis sont les amis d’Israël, mais n’obtiennent pas grand-chose de ce soutien »
L’attitude de Benyamin Netanyahou et la politique qu’il mène dans l’opération israélienne à Gaza mettent en difficulté les États-Unis et Joe Biden aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan de la politique intérieure.
Les États-Unis et Israël sont des alliés indissociables. Le soutien américain à Israël fait partie de l’ADN de la diplomatie de Washington. Il y a bien un accord bipartisan entre démocrates et républicains sur un soutien très souvent inconditionnel à Israël. Mais les bombardements massifs sur Gaza auxquels a procédé l’armée israélienne depuis les attentats du Hamas du 7 octobre sont en train de constituer une gêne pour Joe Biden.
Ce dernier fait un parallèle entre Israël et l’Ukraine, tous les deux attaqués l’un par la Russie l’autre par le Hamas.
Plus de morts civils à Gaza qu’en Ukraine
Ce que d’autres voient, en particulier dans le reste du monde, c’est que les États-Unis et Joe Biden condamnent les bombardements de populations civiles en Ukraine par les Russes, pas ceux d’Israël sur Gaza. Aujourd’hui, le nombre de morts civils à Gaza est plus important que le nombre de morts civils en Ukraine. Cela vient donc nuire à la crédibilité de la diplomatie américaine, notamment s’agissant du dossier majeur pour elle : le soutien à l’Ukraine face à la Russie. Vladimir Poutine se félicite de la situation : plus on parle de Gaza moins on parle de l’Ukraine ; et il peut continuer à consolider ses positions et surtout à renvoyer dos à dos en s’appuyant sur le sentiment d’un double standard : « Vous condamnez les uns, mais vous supportez les autres. » Si un tel discours n’est pas crédible de la part du président russe qui, en réalité, se moque assez de la cause palestinienne, il sait en revanche que dans les pays du Sud cette cause est importante. Il lui est donc bénéfique de souligner les contradictions de la politique américaine et de cacher ses propres contradictions.
Les États-Unis sont donc les amis d’Israël, mais ils n’obtiennent pas grand-chose de ce soutien. Les différentes demandes américaines de modérer le comportement, d’épargner les civils, ne sont pas suivies d’effets. Israël suit sa logique propre et ne prend pas du tout en compte les demandes américaines.
Pression sur Israël
D’ailleurs, c’est une histoire assez ancienne puisque depuis 1991 et George Bush père, aucun président américain n’a réellement fait pression sur Israël. Même Barack Obama, qui voulait le faire y a assez vite renoncé. L’éditorialiste américain Thomas Friedman avait, en 2010, alors que Joe Biden, qui était à l’époque vice-président, se rendait en Israël et que Benyamin Netanyahou avait annoncé la construction de nouvelles colonies, appelé le vice-président à faire demi-tour pour protester contre cette décision, qui mettait la diplomatie américaine au pied du mur. Il écrivait la chose suivante : « Quand on est un ami, on lui doit la vérité. Si vous voyez un ami qui veut conduire en état d’ivresse, vous prenez les clés de sa voiture, vous ne le laissez pas rentrer chez lui. Netanyahou est en état d’ivresse, il conduit géopolitiquement en état d’ivresse, il faut lui prendre les clés et l’empêcher de faire ce qu’il veut. »
Thomas Friedman est très représentatif d’une grande partie de la communauté juive américaine qui prend ses distances avec Israël, avec le gouvernement israélien et qui estime que la politique menée par les gouvernements successifs dirigés par Netanyahou depuis des années ne rend service ni à Israël, ni aux États-Unis, ni ne participe à la sécurité du monde occidental sur le temps long.
Protestations de la gauche américaine
Sur le plan interne, Joe Biden est également en difficulté puisque de plus en plus de jeunes démocrates, notamment les moins de 35 ans, commencent à protester contre ce soutien inconditionnel et sont émus devant le sort des civils à Gaza. Il y a notamment des jeunes élus démocrates, mais également des staffeurs qui travaillent pour des représentants qui protestent contre le soutien inconditionnel à Israël. Le fait que dans les universités, parfois de façon excessive d’ailleurs, mais aussi au sein du parti démocrate il commence à y avoir une protestation contre le soutien inconditionnel de Washington à Israël est radicalement nouveau et peut changer les choses. Certains se demandent désormais si cela ne va pas affaiblir Biden sur sa gauche et si ce soutien sans limites ne lui ferait finalement pas perdre les élections alors que s’ouvre la séquence présidentielle aux États-Unis. L’aile gauche du parti pourrait en effet finalement renoncer à voter pour Biden de ce fait. Ce serait paradoxal puisque cela ouvrirait un boulevard pour Donald Trump – ou pour un autre candidat républicain – ce qui offrirait un blanc-seing à Benyamin Netanyahou. En cas d’élection de Trump, il serait peut-être trop tard pour Benyamin Netanyahou qui sera certainement contraint, sur le plan interne, de quitter le pouvoir d’ici là. Mais cela ferait les affaires de Vladimir Poutine.
Il est donc clair qu’aujourd’hui l’attitude de Netanyahou et la politique qu’il mène dans l’opération israélienne à Gaza mettent en difficulté les États-Unis et Joe Biden aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan de la politique intérieure.