18.11.2024
Pologne : un leadership stratégique européen serait usurpé
Édito
28 mars 2023
Les commentaires sur une Pologne, la première à avoir été lucide sur l’Impérialisme russe, prenant un leadership en Europe sur les questions stratégiques, deviennent de plus en plus persistants.
Varsovie s’est en effet toujours opposée au rapprochement de l’Union européenne avec la Russie, dénonçant le caractère agressif du régime de Vladimir Poutine. Elle a critiqué la dépendance de l’Allemagne au gaz russe. Elle s’est toujours montré le partisan le plus déterminé à l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et les États-Unis, et au fait que l’OTAN reste le seul acteur de la sécurité européenne. La guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine valide à ses yeux, et à ceux de nombreux observateurs, ses analyses.
Depuis le déclenchement de la guerre, la Pologne est à la pointe du combat pour que les Occidentaux fournissent à l’Ukraine le maximum d’aide militaire. C’est par ses interventions que les hésitations à donner des chars de combat à Kiev ont été abandonnées. Elle a elle-même accueilli 1,5 millions de réfugiés ukrainiens sur son territoire.
Dans le contexte de la guerre, le gouvernement polonais a également annoncé sa volonté d’augmenter les effectifs de son armée pour parvenir à 300 000 hommes et de consacrer 4 % de son PIB à la défense, bien au-delà de l’objectif des 2 % décidé par l’OTAN. La Pologne vient de signer un contrat pharaonique avec la Corée du Sud, prévoyant la livraison de mille chars d’assaut, de 48 avions de chasse et de multiples autres fournitures pour un montant de 14 milliards de dollars. Elle a également commandé depuis le déclenchement de la guerre 366 chars Abrams aux États-Unis qui viendront s’ajouter au 32 F35 et aux 96 hélicoptères Apache déjà commandés. Les hélicoptères achetés aux États-Unis l’ont été après l’annulation d’une commande d’hélicoptères français. La Pologne devrait enfin passer une nouvelle commande pour un montant de 10 milliards de lance-roquettes et de plusieurs matériels militaires aux États-Unis.
Tout ceci doit-il faire de la Pologne un pays leader sur les questions stratégiques en Europe ? On peut en douter. Tout d’abord, on constate qu’elle achète quasi systématiquement en-dehors de l’Europe ses équipements militaires. Le parti au pouvoir entretient des relations détestables avec l’Allemagne, n’hésitant pas à rallumer des questions mémorielles. Son accueil des réfugiés ukrainiens doit rappeler son intransigeance à l’égard de tous les autres réfugiés non européens ce qui, au moment où on déplore un élargissement du fossé The West versus the rest, est plus que problématique. Son activisme pour faire rentrer l’Ukraine dans l’Union européenne ne doit pas occulter les difficultés que la Pologne a elle-même avec la Commission du fait d’une violation répétée des principes européens. Aura-t-elle par ailleurs les moyens d’entretenir l’immense parc militaire dont elle est en train de se doter ? A-t-elle été presciente sur la Russie ou n’a-t-elle pas au contraire contribué par son hostilité viscérale à couper la Russie de l’Europe ? Peut-on faire confiance à un pays dont le Premier ministre propose de démembrer la Russie et dont l’ambassadeur en France propose de s’engager plus directement si l’Ukraine ne parvient pas à restaurer sa souveraineté ? La haine de la Russie, la soumission vis à vis des États-Unis, l’absence de solidarité européenne et le rejet de ses valeurs ne peuvent faire de la Pologne un champion européen.
Pour les relations de l’Union européenne avec le reste du monde, la Pologne est plus un problème qu’une solution. La présenter comme un champion stratégique de l’UE est simplement contraire aux intérêts de l’Europe.