La Chine peut-elle vraiment espionner les gouvernements avec TikTok ?

Quel est l’intérêt de la Chine d’espionner les puissances occidentales ?

Ce qui intéresse la Chine, c’est de pirater nos industries. Or, les gouvernements détiennent des informations et surtout les verrous pour empêcher ces informations de sortir. Les Occidentaux ont raison de s’inquiéter.

La Chine peut-elle techniquement espionner les Occidentaux via TikTok ?

Oui, c’est possible. Les propriétaires de TikTok peuvent espionner en captant toutes sortes de données. Ils peuvent analyser ce que disent les participants sur les vidéos postées, observer les lieux. Par exemple, à partir de vidéos des fonctionnaires occidentaux qui se baladent avec des groupes d’amis, on peut arriver à recréer des réseaux, à analyser les hiérarchies qui existent au sein d’un organisme. TikTok est une excellente porte d’entrée pour capter des informations en dehors des clous chez des gens qu’on cherche à espionner. Une adresse IP ou encore un mot de passe peuvent aussi être des sources d’information intéressantes. Sans compter la possibilité pour la Chine d’utiliser ce réseau social pour passer ses messages, avec des faux comptes, des fausses rumeurs, à des fins de déstabilisation.

Pékin utilise-t-il vraiment TikTok pour espionner les Occidentaux ?

Pékin espionne certainement. La Chine serait bête de ne pas le faire. Mais les États-Unis aussi le font avec Facebook, ou encore Twitter par exemple. La question c’est plutôt : est-ce que la Chine peut utiliser les données de TikTok intelligemment et efficacement. Or, toute la difficulté c’est de trier ces volumes d’informations qui ont explosé. Est-ce qu’il y a 10 millions d’informaticiens en Chine pour trier les données de TikTok ? Personne ne le sait.

Emmanuel Lincot, pourquoi les Occidentaux prennent-ils maintenant la décision de bannir TikTok de leurs institutions ?

Bannir TikTok est aussi un moyen de pression des Occidentaux dans le cadre d’une guerre plus globale qu’ils se livrent avec la Chine. Sur le plan économique, c’est une mesure de rétorsion. Car les serveurs informatiques des Occidentaux ne peuvent pas exercer en Chine, où le marché est très protectionniste. En Chine continentale par exemple, vous n’avez plus accès à vos e-mails si vous êtes par exemple sur GMail [propriété de l’entreprise américaine Google, NdlR]. Pendant longtemps aussi, les Occidentaux ont fait preuve d’une forme de complaisance, d’aveuglement vis-à-vis de la Chine. Aujourd’hui pourtant, il ne fait aucun doute que Pékin veut apporter une assistance à la Russie de Vladimir Poutine.

 

Entretien réalisé par Clémentine Maligorne pour Ouest France.