Violences au Brésil : « Lula vit sous la menace permanente des radicaux »
Le président Lula est-il menacé ?
Il est sous la menace permanente de ces mouvements radicalisés. Car ceux-ci résonnent avec une partie de la société brésilienne, qui a voté Bolsonaro. Cela représente quasiment la moitié du Brésil, qui déteste la gauche, considère que la démocratie n’est pas un cadre naturel pour la vie politique du pays.
C’est-à-dire ?
20 % à peine des Brésiliens se disent satisfaits de la démocratie pour résoudre les problèmes socio-économiques, 40 % seulement déclarent adhérer à la démocratie comme régime politique idéal : c’est le niveau le plus bas de l’Amérique latine. Ce sera le défi de Lula au long de son mandat. Néanmoins, il a les institutions avec lui, et l’armée est légaliste.
En est-on si sûr ?
Jusqu’à présent aucun signe ne montre le contraire. Ce qu’on a vu dimanche est une action spectaculaire et explosive, faite pour marquer les esprits. Mais il y avait déjà eu les barrages de routes par des camionneurs bolsonaristes pendant la campagne, le blocage d’accès aux bureaux de vote par des militants. Et depuis l’élection nombre de pro-Bolsonaro se rassemblaient devant les casernes pour demander une intervention militaire pour faire tomber Lula. Or l’armée s’est montrée insensible à ces sollicitations.
Les armes circulent en abondance dans le pays, c’est un danger ?
C’est évidemment une menace, ce type de mouvements radicalisés prônant le règlement des différends politiques par la violence. Beaucoup de ces gens baignent dans cet univers des armes, fréquentent ou gèrent des centres de tir, exercent des métiers de surveillance, de sécurité, ont appartenu voire appartiennent à la police. Des actions extrêmes, collectives ou isolées, sont toujours possibles. La presse brésilienne parle d’ailleurs de terroristes.
Quel est le rôle de Jair Bolsonaro ?
S’il s’est finalement dédouané de toute responsabilité dans les événements, il n’a pas clairement condamné les acteurs. Il paraît toujours soucieux de ne pas rompre avec les franges les plus militantes et extrémistes. Il faudra attendre le résultat des enquêtes sur son rôle éventuel. Mais ce genre de mouvement chaotique, violent, n’a pas besoin de consignes pour se déclencher. Bolsonaro a créé le climat propice par son discours, il a eu un rôle émetteur dans la haine contre Lula et les institutions. Il n’a pas forcément besoin d’organiser lui-même ces actions.
Les bolsonaristes ont beaucoup de leviers de pouvoir ?
C’est un paradoxe des récentes élections : le bolsonarisme a nettement gagné en puissance, il est plus fort en 2022 qu’il ne l’était en 2018. Il domine le Congrès (l’équivalent de notre Assemblée nationale et du Sénat), détient la majorité des États fédérés du Brésil et beaucoup de municipalités. Pour autant, ce n’est pas un parti centralisé, mais une nébuleuse très diverse. La question est de savoir comment vont réagir les barons du mouvement, plutôt mécontents de se retrouver ainsi exposés. Face à cette frange radicalisée, une partie de la droite brésilienne ne veut pas sortir de la légalité.
On pense forcément à Trump et à l’assaut du Capitole il y a deux ans. D’autant plus que l’ex-président brésilien séjourne en Floride, cela a-t-il une signification ?
Cela confirme l’existence d’une internationale populiste d’extrême droite, avec Bolsonaro et ses fils, Donald Trump, Steve Bannon, etc. Un petit réseau idéologique et politique planétaire, capable d’une certaine force de frappe grâce aux réseaux sociaux. Ce qui s’est passé hier (dimanche) à Brasilia, et il y a deux ans à Washington, peut tout à fait se reproduire ailleurs encore.
Propos recueillis par Henri Vernet pour Le Parisien.