18.11.2024
Japon : un doublement historique de l’effort de défense prévu d’ici à 2027
Tribune
30 novembre 2022
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a chargé les ministres de la Défense et des Finances de porter les dépenses du Japon liées à la défense et à la sécurité au cours de l’exercice fiscal 2027 à 2 % du produit intérieur brut actuel. C’est la première fois que M. Kishida a spécifié un objectif concret pour augmenter les dépenses de défense. C’est un changement majeur. Comme l’indique Le Monde, il avait été décidé il y a quelque 50 ans de limiter drastiquement l’effort de défense : « Le choix du 1% revient, lui, au Premier ministre Takeo Miki (1974-1976). Considéré comme un modéré, il en avait fait une norme « provisoire » devenue une politique officielle du PLD. Jusqu’à cette année, le budget militaire du Japon était resté dans cette limite ».
C’est donc une étape majeure du réarmement du Japon, en cours depuis plus d’une décennie, qui se dessine si ce processus est approuvé. Le Premier ministre a également indiqué son intention de décider à la fin de l’année des mesures de sécurisation des ressources financières à cet effet, tant en recettes qu’en dépenses comme le souligne le journal conservateur Yomiuri Shimbun. Il semble bien déterminé à ses fins.
Lors d’une réunion lundi avec le ministre de la Défense, Yasukazu Hamada, et le ministre des Finances, Shunichi Suzuki, Kishida a souligné son intention de renforcer considérablement les capacités de défense du Japon. Après leurs entretiens, Hamada a cité M. Kishida disant : « Nous devons d’abord concevoir divers moyens, puis obtenir les fonds nécessaires rapidement et sûrement, au lieu de dire que nous ne pouvons rien faire en raison de ressources financières insuffisantes ».
11000 milliards de yens
Sur la base du PIB actuel, environ 11 000 milliards de yens seront nécessaires pour atteindre l’objectif de 2 %, soit quelque 80 milliards d’euros, largement supérieurs au budget de la défense français. Les dépenses de défense dans le budget initial pour l’exercice 2022 sont d’environ 5400 milliards de yens, soit 0,96 % du PIB de l’exercice fiscal 2022.
L’objectif de 2% comprendrait les dépenses pour le budget de la défense, le budget des garde-côtes japonais, les coûts de la recherche et du développement menés en dehors du ministère de la Défense qui contribuent à la défense du Japon, et les dépenses liées à la sécurité, y compris celles pour construire et améliorer les infrastructures sociales. Le chiffre équivaudrait à 2% du PIB actuel, et non au PIB de l’exercice 2027, apparemment parce que M. Kishida veut clarifier l’objectif actuellement visé comme le souligne le Yomiuri Shimbun.
Au cours de la réunion, Kishida a souligné la nécessité de maintenir et d’améliorer les capacités de défense au cours de l’exercice 2027 et au-delà. « Il est de la responsabilité de l’État de faire le maximum d’efforts pour réformer les dépenses, a-t-il déclaré. Mais sur cette base, il est essentiel de prendre des mesures pour sécuriser les ressources financières afin de soutenir régulièrement le renforcement de la défense ».
Kishida a demandé à Hamada et Suzuki de décider de l’ampleur du budget de la défense dans le programme de défense à moyen terme pour les cinq années à venir (MTDP, le programme qui fixe les priorités quinquennales militaires notamment en termes de matériels des différentes forces), et des mesures visant à garantir des ressources financières à cette fin. Le gouvernement et les partis au pouvoir ont l’intention d’augmenter considérablement l’ampleur du programme de défense à moyen terme de l’actuel 27,47 trillions de yens à plus de 40 trillions de yens !
Question fiscale cruciale
Certains législateurs du Parti libéral-démocrate au pouvoir ont déclaré que les augmentations d’impôts étaient inévitables, mais d’autres s’y sont fermement opposés. Un point central sera de savoir si le gouvernement et les partis au pouvoir discutent de questions fiscales plus spécifiques à la fin de l’année.
Concernant la manière d’obtenir des ressources financières pour augmenter les dépenses de défense, Kishida a déclaré lors d’une réunion de la commission du budget à la Chambre des représentants (chambre basse du Parlement) lundi : « J’aimerais envisager d’utiliser l’important budget préparé pour faire face au nouveau coronavirus », indique le Yomiuri.
Interrogé sur la possibilité d’augmenter l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu, M. Kishida a répondu : « Je veux m’abstenir de mentionner des éléments fiscaux spécifiques. »
Menaces et soutien populaire
Les appels à un renforcement des dépenses de défense se sont multipliés au rythme rapide de la modernisation militaire de la Chine et de ses récentes manœuvres menaçantes près de Taïwan, ainsi que de la vague sans précédent de lancements de missiles de la Corée du Nord, nation qui est dotée d’armes nucléaires, cette année.
Le LDP, parti qui est dirigé par Kishida, a fait pression pour l’objectif de 2 % du PIB. Il a également exhorté le gouvernement à acquérir des capacités de contre-attaque, qui lui permettraient de cibler les bases ennemies et les nœuds de commandement et de contrôle au cas où le Japon serait attaqué.
Le Japon s’emploie déjà à acquérir des capacités qui étaient initialement justifiées pour la défense d’îles éloignées, mais pouvaient être utilisées pour des contre-attaques. Cela comprend l’acquisition du missile air-sol à distance (JASSM-ER) et l’extension de la portée du missile sol-navire de type 12 à 900 kilomètres et éventuellement à 1500 kilomètres, explique le site East Asia Forum.
Il y a des discussions politiques sur l’acquisition de capacités à plus longue portée, comme le missile national Tomahawk d’une portée de 2 000 kilomètres, les missiles de croisière lanceurs de sous-marins et missiles balistiques à moyenne portée comme un moyen plus efficace de mener des contre-attaques. Une telle décision de développer les capacités de contre-attaque constituerait un changement majeur pour les politiques axées sur la défense de ce pays pacifiste depuis 1946.
Selon un sondage publié dimanche par Kyodo News, plus de 60 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles soutenaient l’acquisition de la capacité de contre-attaque par le Japon, tandis que 35% s’y étaient opposées. En fin de compte, la forme du prochain budget de la défense et des documents de sécurité dépendra de la capacité politique de M. Kishida à faire comprendre au public ces mesures et à les faire avancer remarque le Japan Times, bien qu’un sondage publié le mois dernier par NHK ait révélé que 55% des personnes interrogées étaient en faveur d’une hausse des dépenses de défense, tandis que 29 % s’y sont opposés.
Le Japon semble donc de plus en plus évoluer sous la pression de l’environnement menaçant. L’inquiétante course aux armements en Asie continue son rythme effréné menaçant la paix régionale et donc mondiale.