18.11.2024
La guerre en Ukraine fait rage mais ne détourne pas Joe Biden de sa stratégie en Asie
Presse
24 mai 2022
Il s’agit d’un projet ambitieux, puisqu’il regroupe sept membres de l’Asean sur dix, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Et ce partenariat s’inspire des efforts de l’administration Obama qui avait signé le Trans Pacific Partnership, abandonné par Donald Trump dès son entrée en fonction. Il s’agit surtout de confirmer l’évolution de la stratégie Indo-Pacifique de Washington, qui cherche à dépasser les enjeux politico-stratégiques, comme la feuille de route rendue publique en février dernier l’indiquait. Les Etats-Unis ne veulent plus apparaître uniquement come un partenaire stratégique, là où la Chine se présente comme un partenaire multidimensionnel. Par ailleurs, les pays de la région, mais aussi l’Union européenne – et plusieurs Etats membres, dont la France – ont formulé une stratégie Indo-Pacifique multidimesionnelle. On en revient donc à ce que l’administration Obama qualifiait de stratégie du pivot. Dans les faits cependant, et malgré le nombre important de pays qui l’ont rejoint, ce partenariat reste modeste dans ses moyens, et est surtout présenté tardivement. La Chine a pris de l’avance avec sa Belt & road initiative (BRI), mais aussi avec le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) et ses quinze Etats membres, dont Pékin.
Depuis bientôt trois mois, l’axe de la politique étrangère américaine est passé de l’est à l’ouest, pourtant Joe Biden n’oublie pas l’Asie et son principal concurrent géostratégique : la Chine. Quelle politique les USA mènent-ils vis-à-vis de leurs alliés en Asie dans le contexte actuel ?
L’Indo-Pacifique est toujours restée la priorité de l’administration Biden, et les positionnements face à la Chine sont l’obsession de Washington depuis des années. La guerre en Ukraine a imposé un nouveau sujet, mais n’a pas modifié les priorités américaines. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, la politique asiatique de Washington est plus ambitieuse dans les intentions, avec notamment la volonté de renforcer les partenariats – comme c’était déjà le cas sous Obama. L’administration Trump y accordait moins d’importance, préférant se concentrer sur le bras-de-fer avec Pékin. Mais les relations avec les alliés restent plus que jamais au centre de ces intentions, et la visite de Joe Biden à Séoul avant de se rendre à Tokyo est à ce sujet révélatrice. Le président américain cherche à renforcer des dispositifs comme le Quad (créé en 2007, et qui rassemble les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde) et tente de convaincre la Corée du Sud de s’en rapprocher. Le nouveau président sud-coréen Yoon Seok-yol y est d’ailleurs sensible, contrairement à son prédécesseur. Mais les alliés peuvent aussi faire défaut. On pense notamment aux Philippines, qui viennent d’élire Ferdinand Marcos Jr, ou encore de l’Australie post-Scott Morrison, l’un des acteurs d’Aukus aux côtés de Biden et Boris Johnson. Avec le retour des Travaillistes au pouvoir après neuf ans, l’implication de CAnberra aux côtés de Washington pourrait être reconsidérée.
Dans quelle mesure la Chine et les USA ont-ils appris et changé leurs diplomaties suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
La déclaration depuis Tokyo de Joe Biden dans laquelle il réaffirme le soutien militaire de Washington à Taiwan en cas d’attaque chinoise n’invite pas à considérer que le dialogue entre la Chine et les Etats-Unis se porte bien. Les conséquences de la guerre en Ukraine seront très lourdes sur la relation sino-américaines. Rappelons qu’en février dernier, Vladimir Poutine était à Pékin enparge des Jeux Olympiques d’hiver pour rendre public avec Xi Jinping un communiqué conjoint critiquant la domination occidentale. Avec l’invasion de l’Ukraine, l’ennemi identifié par Washington est la Russie. Mais le compétiteur reste la Chine, et c’est ce qui justifie la priorité accordée à l’Indo-Pacifique. Gageons cependant que la nature de la compétition entre les deux pays, qui s’exprime sur une multitude de sujets, ne ressemble pas à celle qui oppose Moscou et Washington.
Quelles leçons ont-ils pu tirer, notamment vis-à-vis de Taiwan et de ce qui se passe actuellement en Ukraine ?
Toute comparaison entre l’Ukraine et Taiwan est hasardeuse et même déplacée. Cependant, le risque d’une invasion chinoise ne saurait être écarté, notamment en réaction à ce que Pékin verrait comme un signe de faiblesse de Washington, en l’occurence l’absence de réaction. C’est pourquoi les Etats-Unis rappellent leur engagement à soutenir Taiwan dans le cas d’une invasion, et le Japon s’y associe désormais. La Chine est de son côté confrontée à d’immenses défis, notamment sa stratégie anti-Covid très critiquée et ses conséquences économiques incertaines. Dans ce contexte, une invasion de Taiwan serait une fuite en avant irréfléchie.