Commémoration du 9-Mai à Moscou : « Poutine veut galvaniser les troupes »
Lundi 9 mai, la Russie commémore la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie. Dans l’actuel contexte d’échec que connaît Moscou en Ukraine, à quoi peut-on s’attendre ce 9-Mai de la part de Vladimir Poutine ?
Le 9-Mai est jour de fête nationale en Russie. Tout le monde est d’accord pour célébrer la victoire de la Grande Guerre patriotique et sur cette fête du consensus, le président russe reforme en quelque sorte l’unité de son peuple autour de lui et autour des grands buts qu’il a fixés au pays. Concernant l’Ukraine, il a ainsi défini des objectifs militaires dans le cadre de ce qu’il appelle la « Nouvelle Russie » qui au-delà du Donbass va jusqu’à Odessa. Il s’agira alors pour lui de resserrer les rangs autour cette conquête militaire et de galvaniser les troupes en invoquant l’invincibilité de l’armée russe et l’invincibilité de la Russie. Le défilé montrera nécessairement un déploiement d’armes sophistiquées pour une démonstration de force et sa propagande dénonçant notamment les « néonazis » ukrainiens pour justifier l’invasion de l’Ukraine il y aura peut-être une allusion à la fête nationale du 7 novembre 1941 ou Staline, alors que les Allemands étaient à dix kilomètres de Moscou, avait réussi un défilé assez substantiel pour montrer que la Russie tenait bon.
Le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a indiqué que Moscou ne visait pas la fin de la guerre le 9mai. Pour autant, le président russe peut-il décider d’une frappe exceptionnelle voire de terreur autour de cette date afin de prétendre lui aussi à la victoire ce jour symbolique ?
Je ne le pense pas parce qu’il n’y a jamais de gloire dans la terreur. Donc j’espère que non, en tout cas. Mais il est sûr que s’il y avait quelques succès locaux dont Poutine pourrait faire état, ça serait ça serait un plus, même si la date du 9-Mai se suffit en soi pour le pouvoir qui peut aussi rappeler qu’il tient désormais 15à 20 %du territoire ukrainien. On ne peut de toute façon pas imaginer un défilé russe dans Marioupol dévasté…
Menaces réitérées, test du missile Satan, présence possible dans le ciel du défilé du vieil IliouchineIL80, cet appareil de commandement en cas de conflit nucléaire, sans oublier cette télévision russe montrant Paris à 200 secondes d’une frappe potentielle… Cela fait néanmoins beaucoup de signaux « atomiques ». Quel est le message, alors, et notamment pour la France ?
Il y a clairement là une réponse indirecte aux autorités américaines disant qu’elles veulent mettre la Russie à genoux. Quant à cette émission à laquelle vous faites référence, tout le monde la connaît en Russie. Elle est animée par des gens en effet proches du pouvoir, mais c’est un talk-show dont les excès sont connus puisqu’il n’invite que des personnalités tonitruantes. Vociférations, menaces, insultes sont son fonds de commerce et ce n’est donc pas du tout un message officiel envoyé à la France. Mais cela rentre quand même dans une communication globale qui consiste à dire « attention à la cobelligérance avec l’Ukraine, aux livraisons d’armes, nous restons une puissance nucléaire et il ne faut pas trop nous chatouiller les moustaches. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas pu prendre Kiev que nous ne sommes pas un pays puissant capable de riposter ». Mais encore une fois, on ne sait pas exactement où Vladimir Poutine place le curseur pour la cobelligérance.
Le fait que le monde entier s’interroge sur ses intentions, n’est-ce pas là sa vraie victoire ?
On pourrait le penser… Il a également été évoqué qu’il puisse officiellement déclarer la guerre à l’Ukraine, ce lundi… Une déclaration de guerre officielle changerait peu de choses. Certes, à l’intérieur de la Russie elle permettrait d’établir une loi martiale et donc de faire entrer en vigueur un certain nombre de règles beaucoup plus restrictives pour la population. Elle faciliterait aussi le recrutement des jeunes et l’on sait que la Russie a besoin d’effectifs. Quant à l’extérieur… cette officialisation n’apporterait rien puisque tout le monde est lucide sur le fait qu’il s’agit d’une véritable guerre.
Propos recueillis par Pierre Challier pour La Dépêche.