19.11.2024
One Ocean Summit, un sommet avant tout géopolitique
Interview
10 février 2022
Du 9 au 11 février se tient le One Ocean Summit. Alors la question des océans devient de plus en plus centrale dans les conventions internationales, l’organisation de ce sommet revêt une dimension géopolitique pour la France. Quels sont les enjeux de ce sommet ? Quels résultats peut-on en attendre ? Le point avec Julia Tasse, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Climat, énergie et sécurité.
Le One Ocean Summit est le premier d’une série d’événements internationaux autour de l’océan qui se tiendront au cours de l’année 2022. Pourquoi le sujet des océans devient-il de plus en plus central ?
Le One Ocean Summit, qui réunit du 9 au 11 février des dizaines de décideurs politiques et économiques, des scientifiques et des représentants d’ONG, est une initiative lancée par Emmanuel Macron, dans la droite lignée des One Planet Summit. Pour rappel, ces événements ont davantage pour objectif de maintenir une dynamique autour de sujets environnementaux que de permettre des négociations ou la signature d’accords. Le premier One Planet Summit se tenait en 2017, le dernier, sur les océans, se tiendra donc à quelques mois des élections présidentielles.
Comme vous le dites, ce n’est pas un hasard si le thème de ce sommet est l’océan : les mers sont considérées de manière croissante comme des éléments essentiels des discussions autour de l’environnement. Ce n’est pour moi qu’un rétablissement dans le domaine politique d’un fait naturel : l’océan est un acteur clé du climat et un espace accueillant une biodiversité unique. C’est pourquoi, à mesure que les rendez-vous internationaux se succèdent autour du climat et de la biodiversité, on se tourne vers l’océan. Cela tient également à une très forte mobilisation citoyenne et à l’importance de l’océan pour notre économie mondialisée, ce qu’a souligné la pandémie.
C’est donc dans cette tendance lourde que s’inscrivent les sommets « océaniques » prévus pour 2022 : le One Ocean Summit ouvre une année riche en discussions maritimes, telles que celles qui se tiendront lors de l’Assemblée des Nations unies sur l’Environnement (mars, Kenya), la COP15 sur la biodiversité (avril, Chine) ou encore la Conférence des Nations unies sur l’Océan (juin, Portugal).
En quoi le One Ocean Summit est-il avant tout géopolitique ?
Bien que l’on discute d’éléments naturels, ce sommet est avant tout politique et géopolitique.
Politique, car il s’agit pour Emmanuel Macron de maintenir la dynamique des One Planet Summit qui le positionnent, au niveau national comme international, comme un acteur de la lutte contre le changement climatique. C’est aussi un message quelques mois avant les élections présidentielles.
Géopolitique, pour de multiples raisons : d’une part, car la gestion de biens communs comme le climat, la biodiversité ou encore l’océan passe nécessairement par des discussions globales et des accords internationaux. Bien que les thèmes abordés soient relatifs aux sciences naturelles et sociales, il est essentiel, pour agir pour la santé des océans, de réunir des chefs de gouvernement et de trouver des terrains d’entente. Nous sommes donc au cœur de la géopolitique. D’autre part, ce sommet permet de réinscrire la France comme État moteur des engagements internationaux autour du climat et de la biodiversité, et de rappeler sa puissance maritime. Avec le deuxième domaine maritime au monde, on oublie souvent que le rôle de la France est clé pour protéger l’océan, et c’est un moyen de le souligner, et ce d’autant plus que la Présidence française du Conseil de l’Union européenne convoie également ce message.
Que peut-on attendre de ce sommet ?
C’est là toute la question : s’il a le mérite de rassembler les acteurs du maritime, français, européens et internationaux, ce sommet est essentiellement un rendez-vous qui catalyse certains projets et trouve un écho diplomatique particulier. Il ne se tient pas dans le cadre d’une convention de l’ONU, et réunit un nombre limité de pays. En raison d’un agenda chargé, on peut supposer qu’il y a eu assez peu de discussions ou négociations préalables, véritables clés pour arriver à des consensus internationaux.
On peut donc douter de la signature d’accords internationaux. On peut cependant s’attendre à des déclarations d’intention, des engagements unilatéraux ou bilatéraux et, éventuellement, des annonces quant au positionnement de certains pays pour les conférences, onusiennes celles-ci, que nous évoquions tout à l’heure. Ces annonces vont sans doute répondre aux ONG qui militent pour que soient donnés des engagements quant à la mise en œuvre de l’objectif de protéger 30% de la surface des mers d’ici 2030 ou que soit soutenue leur proposition de moratoire sur l’exploitation des fonds marins. Si des accords internationaux sont nécessaires pour les deux propositions, quelques avancées et des ententes multilatérales pourraient être annoncées d’ici vendredi.