12.11.2024
Faut-il arrêter de vendre des armes ?
Presse
12 novembre 2021
Les ventes d’armes, un arbitrage délicat à opérer entre considérations économiques et géopolitiques
Aussi controversées soient-elles, les ventes d’équipement militaire français (ou exportations) sont stratégiques, et donc indispensables, pour des raisons d’ordre économique et géopolitique.
D’un point de vue industriel, la commande publique étant insuffisante pour maintenir en activité l’ensemble du tissu industriel de défense français (plus connu sous le nom de BITD – Base industrielle et technologique de défense), les exportations d’équipement permettent de garantir un niveau d’activité minimal aux industriels, qui suffise à préserver des compétences et des savoir-faire rares, dans des domaines d’activité aux applications duales (à la fois civil et militaire). Exporter permet également aux industriels de réaliser des économies d’échelle – en réduisant le coût unitaire des équipements – et donc d’être plus compétitif, ce qui bénéficie in fine à l’acheteur public français. De plus, les bénéfices réalisés grâce aux exportations permettent d’innover en consentant davantage d’investissements en recherche et développement (R&D).
Pour autant, à lui seul, le simple argument économique ne suffit pas à justifier une telle politique. Si l’Etat soutient les exportations d’équipement militaire, c’est avant tout parce qu’elles concourent à l’autonomie stratégique de la France. En effet, préserver des compétences industrielles nationales dans un domaine aussi stratégique que celui de la défense, vise avant tout à garantir notre indépendance et notre souveraineté vis-à-vis de pays tiers, et donc à préserver notre capacité d’action autonome. Sans exportations il ne peut y avoir d’industrie de défense, et sans industrie de défense il ne peut y avoir de souveraineté. Les récentes ruptures d’approvisionnement engendrées par la pandémie du Covid-19 et le repli sur soi opéré par un certain nombre d’Etat, ont rappelé l’importance de maintenir des capacités de production nationale dans les domaines les plus stratégiques.
Sans exportations il ne peut y avoir d’industrie de défense, et sans industrie de défense il ne peut y avoir de souveraineté
Qu’adviendrait-il dans l’hypothèse où la France « arrêtait de vendre des armes » ?
Progressivement, nous serions obligés d’abandonner la production de certains équipements stratégiques et, à moins de renoncer à un modèle d’armée complet capable de se projeter sur des théâtres d’opérations extérieurs, nous serions alors contraints d’acquérir des systèmes étrangers. Cela ne ferait que renforcer notre dépendance et reviendrait de facto à soutenir les ventes d’armes d’autres Etats. Qui plus est, une telle dépendance paraît difficilement compatible avec le modèle de dissuasion nucléaire française.
Enfin, la vente d’équipement militaire répond également à une logique diplomatique. En s’inscrivant bien souvent dans le cadre d’un partenariat stratégique plus large, elle permet de renforcer la capacité de pays partenaires à assurer leur propre défense et contribue à préserver une certaine stabilité dans des régions stratégiques. Au niveau de l’UE, première destination des exportations d’armement français (25% en 2020), elles favorisent avant tout l’interopérabilité entre armées alliées et contribuent au développement d’une culture stratégique commune.
Evidemment, les ventes d’équipement militaire et notamment celles vers des pays tiers (hors UE et OTAN), posent la question du risque d’atteintes aux droits humains, qui, bien qu’impossible à écarter entièrement, demeure limité compte tenu de la procédure de contrôle interministériel en vigueur (1). Ainsi, la solution n’est pas tant « d’arrêter de vendre des armes », mais plutôt de poursuivre l’effort de transparence et de contrôle des exportations initié ces dernières années, afin de garantir le strict respect des engagements internationaux (2) auxquels la France adhère.
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(1) : Chaque exportation d’équipement militaire français est soumise au contrôle de la Commission interministérielle pour l’exportation des matériels de guerre (CIEEMG)
(2) : Notamment la Position commune de l’UE et le Traité sur le commerce des armes
Publié dans Le drenche, Ouest-France.