25.11.2024
Alors que la France et l’Europe rouvrent leurs portes, l’Australie se ferme
Tribune
16 juillet 2021
Pendant la majeure partie des 18 derniers mois, l’Australie a été saluée pour sa gestion exemplaire de la pandémie. Mais aujourd’hui, alors que l’Europe et les États-Unis rouvrent leurs portes, plusieurs des grandes villes du pays austral se confinent de nouveau. La semaine dernière, le gouvernement fédéral a présenté son plan pour retrouver un semblant de normalité. Mais les détails et la chronologie de ce plan restent encore obscurs.
Les nouvelles mesures de confinement s’allongent d’une semaine à Sydney, alors qu’à l’autre bout du monde, de nombreux pays rouvrent leurs portes.
En Europe et aux États-Unis, où la pandémie a décimé des milliers de familles, et où des millions sont restées confinées pendant des mois, la vie reprend son cours, avec un semblant de normalité.
En Australie, le contraste est poignant. Les plus grandes villes se reconfinent et les territoires se ferment les uns aux autres. C’est un retour à la case départ pour l’île-continent, pénalisée pour ne pas avoir développé un système efficace pour vivre avec le virus.
L’évolution de la campagne de vaccination australienne est la raison principale de ce retour en arrière. Même si les vaccins n’empêchent pas toujours la transmission du virus, ils préviennent généralement les symptômes entraînant à l’hospitalisation, offrant ainsi au système de santé local la capacité de fonctionner correctement.
À l’autre bout du monde, lorsque la pandémie faisait rage, les gouvernements des pays occidentaux les plus touchés se sont activés pour lancer des programmes de vaccinations massifs, en particulier aux États-Unis et dans toute l’Europe. C’est d’ailleurs pourquoi aujourd’hui, près de la moitié de la population américaine est complètement vaccinée, tout comme au Royaume-Uni.
En revanche, en Australie, seulement 9 % de la population est complètement vaccinée, alors que moins de 20 % a reçu une première dose. Le pays a le taux de vaccination le plus faible de l’OCDE. De par sa bonne gestion de crise initiale, l’Australie se retrouve vulnérable à de nouvelles épidémies, et donc à de nouveaux confinements.
Afin de contrer l’agacement croissant de la population locale, le gouvernement australien a proposé deux plans pour sortir de l’impasse.
Le premier a été mentionné par le Premier ministre Scott Morrison il y a deux semaines, lors d’une conférence de presse après la réunion du Cabinet national. Répondant aux journalistes sur des questions relatives aux stocks limités de vaccins Pfizer-BioNTech obtenus par le gouvernement, le Premier ministre a suggéré aux jeunes Australiens de demander le vaccin AstraZeneca s’ils le désiraient. Or, depuis les premiers cas de thromboses à travers le monde, ce vaccin n’a été recommandé médicalement en Australie que pour les plus de 60 ans.
Cette proposition à contre-courant a été très mal reçue par le public australien, déjà confus et hésitant face au programme de vaccination national. Pendant une semaine, M. Morrison a été la cible d’attaques politiques de tout bord, provenant aussi bien du camp travailliste que du sien.
En conséquence, le Premier ministre s’est présenté de nouveau au public la semaine dernière, avec cette fois, un plan de sortie de crise à quatre phases. D’après lui, l’objectif de ce nouveau plan est d’établir une feuille de route afin d’éviter les confinements et permettre la réouverture graduelle des frontières internationales.
La première phase de ce plan est celle dans laquelle l’Australie se trouve depuis janvier/ février de cette année. Elle consiste à « vacciner, préparer et piloter ». D’une part, cette phase implique la mise en œuvre du plan national de vaccination offrant à chaque Australien la possibilité de se faire vacciner dès que possible. D’autre part, elle offre au gouvernement une certaine largesse pour pouvoir expérimenter de nouvelles idées, par exemple la quarantaine à domicile – plutôt que dans des complexes spécialisés – pour les voyageurs vaccinés. Dans cette phase, les confinements ne s’appliqueront qu’en cas de dernière nécessité.
La deuxième phase est celle de post-vaccination. D’après le gouvernement, elle pourrait avoir lieu au second semestre de l’année 2022. Le pays ne pourra rentrer dans cette phase qu’à partir du moment où la majorité de sa population sera vaccinée. Plus de voyageurs internationaux seraient autorisés à rentrer sur le territoire, à condition qu’ils soient vaccinés. Une semaine de quarantaine, à la place de deux, sera tout de même nécessaire.
La troisième phase est appelée phase de consolidation. C’est dans cette phase que la gestion publique du COVID-19 commence à s’apparenter à la gestion d’autres maladies infectieuses. C’est à partir de cette troisième phase que le gouvernement espère lever l’utilisation des confinements ainsi que les plafonds sur les voyageurs internationaux, précisément parce que l’Australie commencera à traiter le COVID-19 comme la grippe saisonnière. Il y aura des contaminations, mais le nombre de décès ne sera pas aussi élevé, car, comme en Europe et aux États-Unis, la population sera majoritairement vaccinée et le pays aura mis en place des traitements pour gérer les symptômes du virus.
La quatrième et dernière phase est celle d’un retour à la normale, similaire à celle d’avant la pandémie.
Bien que ce plan soit attrayant, il manque encore de détails. Par exemple, il n’y a pas de calendrier précis pour la mise en place de ces phases, ni même de stratégie pour y accéder. Face à ces critiques, le gouvernement affirme qu’il travaille sur la modélisation de ce plan, ainsi que sur le type d’immunité collective à atteindre pour passer d’une phase à l’autre, mais rien n’est clair.
Au-delà de ces zones d’ombres, la situation actuelle soulève la question de savoir pourquoi l’Australie a pris autant de temps pour développer ce plan. Cela fait déjà 18 mois que la pandémie a commencé, six mois que les vaccins sont disponibles et malgré cela, le gouvernement commence seulement à développer sa stratégie de sortie de crise. Cela attise une frustration grandissante alors qu’une partie du pays est confinée.
Aujourd’hui, l’Australie pourrait être dans une situation similaire à celle de nombreux pays, où les individus commencent à planifier leur futur. À la place, le gouvernement a préféré capitaliser sur sa chance plutôt que d’effectuer un travail de fond sur une éventuelle sortie de crise. C’est parce que la situation était sous contrôle que Canberra n’a pas ressenti ce sentiment d’urgence de sortie de crise. Un paradoxe qui risque de couter cher aux Australiens.