ANALYSES

Après le sommet Xi Merkel Macron, la Chine pense être en mesure de détacher l’Europe des États-Unis

Presse
8 juillet 2021
Un sommet téléphonique a eu lieu entre Emmanuel Macron, Angela Merkel et Xi Jinping. Quelle était la raison initiale de cet appel ? Quels enjeux s’y jouaient ?

Le sujet principal de cette réunion était la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité, avec en toile de fond le sommet sur le climat organisé le 22 avril, le Congrès mondial de l’UICN de Marseille, la COP 15 de Kunming et la COP26 de Glasgow. L’UE et la Chine mettent en avant le multilateralisme sur ces enjeux et la coopération est assez efficace. C’est surtout en raison du retrait des Etats-Unis sur ces sujets sous l’administration Trump que cette coopération Chine-UE s’est renforcée. D’autres sujets ont été abordés, comme l’ouverture de la Chine aux investissements – la réciprocité que Paris et Berlin appellent de leurs vœux -, et la situation en Birmanie et en Corée du Nord, deux pays voisins de la Chine. Le dialogue est important sur ces sujets, compte-tenu des inquiétudes partagées, et des pressions américains qui s’ajoutent à la méfiance du parlement européen concernant les accords sur les investissements.

Dans la presse chinoise transparaît surtout l’idée que Pékin se sent en mesure de s’immiscer dans la relation entre l’UE et les Etats-Unis en se rapprochant de l’Europe et serait en bonne voie pour « remporter » cette bataille géopolitique. Est-ce véritablement le cas ?

Il faut ici se montrer mesuré. La Chine a clairement su profiter des décalages entre l’administration Trump et ses partenaires européens pour renforcer ses liens avec l’UE, à la fois au niveau institutionnel (l’accord sur les investissements du 31 décembre dernier, qui reste cependant en suspens, en est l’illustration) et par le biais d’initiatives bilatérales (plusieurs pays européens, dont l’Italie, se sont ralliés à la BRI). Mais il s’agit là de pratiques assez courantes chez les grandes puissances, qui savent occuper un terrain laissé vacant par un concurrent. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden est la promesse d’une relation transatlantique plus apaisée, mais cela ne doit pas signifier que l’UE va se positionner contre la Chine (comme l’espèrerait peut-être Washington). Attention cependant à Pékin à ne pas pêcher par orgueil. L’UE n’a pas l’intention de « choisir » entre Washington et Pékin, et ce message doit être entendu d’un côté comme de l’autre. S’il doit y avoir un « vainqueur » dans cette bataille géopolitique que vous évoquez, ce sera celui de Pékin ou de Washington qui respectera le plus l’UE et ses Etats-membres, et n’y verra pas un simple faire-valoir. Et malgré les sourires de Biden et l’argent de Xi, ni la Chine ni les Etats-Unis ne semblent à ce stade en mesure de « remporter » cette bataille.

L’Europe intéresse-t-elle réellement la Chine ou bien agit-elle surtout contre les Américains ?

L’UE intéresse la Chine, qu’elle voit non seulement comme un acteur incontournable et comme un chaînon indispensable à une multipolarité que Pékin met en avant depuis des années. La Chine ne veut pas d’un bras de fer avec Washington, sorte de guerre froide 2.0 aux conséquences incertaines. L’intérêt est là, dans le rejet de cette bipolarité. Mais qu’en est-il du respect des intérêts et valeurs des Européens, et de la réciprocité indispensable à cette relation? Pékin ne doit pas confondre intérêt et dépendance, et doit accepter une relation basée sur le respect mutuel, le droit à la critique, et un équilibre.
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