« Il faut que l’OPEP et l’OPEP+ tentent de recoller les morceaux »
Les prix du pétrole ont augmenté le lundi 5 juillet, en partie du fait de l’incapacité des pays de l’OPEP+ à se mettre d’accord au cours de cette réunion ministérielle.
En fin de journée, le prix du Brent de la mer du Nord coté à Londres était de 77,16 dollars le baril (contrat de septembre 2021) et celui du West Texas Intermediate (WTI, contrat d’août) à New York de 76,36 dollars/b. L’explication de cette hausse est très claire puisqu’il n’y a pas eu d’accord au sein de l’OPEP+ (23 pays producteurs, 13 pays membres de l’OPEP et 10 pays non OPEP), cela signifie que les augmentations de production envisagées entre août et décembre 2021 n’auront pas lieu. Il était question de 2 millions de barils par jour sur les cinq prochains mois (environ 400 000 b/j chaque mois).
Comme la demande pétrolière mondiale est orientée à la hausse du fait de la forte reprise économique en 2021, il y a un risque d’insuffisance de l’offre et les marchés sont donc logiquement sur une pente haussière.
Comment voyez-vous l’évolution des prix dans les semaines à venir ?
Il faut toujours être prudent lorsque l’on évoque l’évolution future des prix du pétrole brut, même à très court terme. Cependant, le scénario le plus probable est la poursuite de la hausse des cours de l’or noir.
Dans les prochaines semaines, la croissance économique mondiale va rester forte et l’offre va demeurer restreinte. Il y a quelques hypothèses qui pourraient pourtant, si elles se concrétisaient, conduire à une stabilisation ou à une baisse des cours : une nouvelle réunion de l’OPEP+ dans un délai assez rapide et se terminant avec un accord ; une augmentation de production décidée unilatéralement par certains pays sans accord au sein de l’OPEP+ ; une aggravation de la pandémie de Covid-19 qui aurait un impact négatif sur l’économie mondiale et sur la demande pétrolière ; et un accord entre les Etats-Unis et l’Iran sur le programme nucléaire de ce dernier, ce qui lui permettrait de produire et d’exporter plus de pétrole. Mais il n’est pas très probable que ces scénarios deviennent réalité dans un très proche avenir.
Le différend inédit entre les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite risque-t-il de s’amplifier et de menacer la cohésion de l’OPEP+ ?
C’est effectivement un différend inhabituel. Ces deux pays sont souvent sur la même ligne sur beaucoup de questions, y compris en matière pétrolière. De plus, la vigueur de ce différend et son caractère public n’étaient pas du tout anticipés. Il n’était pas non plus évident que les EAU iraient jusqu’au bout de cette épreuve de force en étant quasiment seuls contre tous les autres.
On sait par ailleurs que les EAU se sont posés il n’y a pas très longtemps des questions sur leur appartenance à l’OPEP. Ce pays est pourtant un Etat membre de cette Organisation depuis 1967, soit depuis 54 ans, ce qui n’est pas rien.
Et c’est le troisième producteur de pétrole au sein de l’OPEP, après l’Arabie Saoudite et l’Irak. Cela dit, l’argumentation d’Abou Dhabi n’est pas absurde et l’Arabie Saoudite et d’autres pays de l’OPEP+ auraient pu faire preuve d’un peu plus de souplesse en ne cherchant pas à prolonger jusqu’à la fin 2022 les réductions de production prévues initialement jusqu’à la fin avril prochain.
Ce sujet de l’extension aurait pu être traité plus tard et pas forcément au début juillet 2021. Cela aurait été plus simple que de faire une concession aux EAU sur le niveau de leur allocation de production qu’Abou Dhabi voudrait voir relever d’un peu plus de 600 000 b/j, ce qui n’a pas été accepté. Après cet échec, il faut que l’OPEP et l’OPEP+ tentent de recoller les morceaux, et ce, assez rapidement. Il ne serait pas bon pour la coopération entre ces pays producteurs que ce différend persiste trop longtemps.
Le précédent conflit vécu par l’alliance OPEP+, suite au différend entre la Russie et l’Arabie Saoudite en 2020, et la guerre des prix qui s’ensuivit, risque-t-il de se reproduire ?
Il est exact que le précédent échec de l’OPEP+ remonte au 6 mars 2020, avec le refus de la Russie d’accepter des réductions de production proposées par l’OPEP à ses partenaires non OPEP. Mais le contexte est très différent. A l’époque, les cours du brut étaient en train de s’effondrer du fait de la pandémie et de ses conséquences économiques et le fiasco du 6 mars 2020 avait encore plus fait plonger les prix.
Par contre, actuellement, l’OPEP+ est dans une position beaucoup plus forte avec des prix du pétrole qui sont huit à neuf dollars au-dessus de leurs niveaux du tout début 2020 et avec une consommation pétrolière en forte progression alors qu’elle avait chuté d’environ 9% en 2020 par rapport à 2019.
Du point de vue des producteurs, la situation reste donc sous contrôle, comme le montre la réaction des marchés que nous avons évoquée ci-dessus. Mais, comme souligné dans ma réponse à votre question précédente, il ne faut pas que l’OPEP+ se repose sur ses lauriers. Une telle crise doit pousser les pays concernés à chercher une solution pour trouver une sortie par le haut. Sans cela, la situation pourrait se détériorer à l’avenir.