17.12.2024
Les cent jours de Kamala Harris : une vice-présidente sur tous les fronts
Presse
4 mai 2021
Sa voix est décisive au Sénat, dont elle est la présidente. Elle aurait pu l’être lors de l’adoption du plan de relance de 1 900 milliards de dollars si un sénateur républicain ne s’était pas désisté. Kamala Harris ne sera pas, pour Joe Biden, ce que Mike Pence était pour Donald Trump. Elle n’est pas, en effet, cantonnée à un rôle de figuration consistant à récolter des fonds pour le parti ou à rassurer, encore moins à flatter, le président. Dès le départ, Harris a été impliquée dans les gros dossiers de la Maison Blanche. L’exécutif américain, qui se veut à l’image de l’Amérique, multiculturel et féminisé, entend promouvoir l’expertise. Et cette expertise réside aussi, précisément, dans cette diversité. Biden, poussé et convaincu par un militantisme de terrain intersectionnel, a souhaité s’entourer, pour gagner et pour gouverner, d’une pluralité de compétences et de regards sur la société.
Kamala Harris l’incarne de manière emblématique. Ancienne procureure de Californie, elle suit avec le président Biden le procès de Derek Chauvin, le policier reconnu coupable du meurtre de George Floyd, et dont la sentence sera connue le 25 juin prochain. Ils ont tous deux accompagné la famille de la victime et travaillent de concert à un projet de réforme de la police et de la justice pour combattre le racisme systémique.
Lutter contre toutes les inégalités
Dans les grands plans de relance comme dans la gouvernance du pays, Biden et Harris, qui se définissent comme des partenaires, entendent cibler les populations les plus vulnérables aux inégalités et discriminations : emploi, salaire, accès à l’emprunt, à la santé, aux études supérieures, à la garde d’enfants… les femmes et les minorités ethniques (en particulier les Afro-Américains), sont souvent les plus concernées.
Lorsque Kamala Harris – qui, dans son discours de victoire en novembre dernier, a rappelé le rôle des femmes, et notamment des femmes noires, dans la construction de l’Amérique – déclare en mars que « l’économie ne pourra véritablement repartir que lorsque les femmes pourront pleinement y participer », elle met en mots un objectif de prise en compte des inégalités de genre et d’origine dans la gestion de la Covid-19.
Symone Sanders, la porte-parole de la vice-présidente Harris (et qui fut la porte-parole de son homonyme Bernie Sanders lors de la campagne de 2016), a, de fait, rappelé que le nouvel exécutif souhaitait adopter une approche systémique en matière de lutte contre ces inégalités. Non pas pour oublier les autres populations, mais au contraire pour promouvoir un universel plus inclusif car ce qui s’adresse aux plus fragiles s’adresse à toutes et à tous, à l’instar des allocations familiales exceptionnelles déployées dans le premier plan de relance et destinées in fine à plus de 90 % des enfants américains.
La vice-présidente est aussi, comme Joe Biden, la VRP de l’American Jobs Plan, le grand projet de rénovation des infrastructures : les deux têtes de l’exécutif se sont rendues en Caroline du Nord il y a peu et d’autres États les accueilleront bientôt.
Il s’agit d’expliquer en quoi des milliers d’emplois durables, dans l’économie verte, devraient être créés et, globalement, d’être plus pédagogiques et de mieux communiquer sur l’action politique en cours que pendant l’ère Obama. Harris chemine également le pays pour parler d’équité dans l’accès à l’eau, de combat contre la pauvreté infantile, d’éducation pour toutes et tous. Elle rencontre élu·e·s, associations, groupes militants. Au National Institutes of Health, elle a rendu un hommage appuyé aux femmes noires scientifiques et rencontré l’une d’elles, l’immunologiste Kizzmekia Corbett, qui a participé à la création du vaccin Moderna. Avec Joe Biden, elle a salué, lors de la Journée internationale des droits des femmes, le rôle des femmes dans l’histoire du pays et promu deux générales quatre étoiles.
Contre l’entre-soi du pouvoir
Joe Biden a par ailleurs confié à Kamala Harris l’épineux dossier des négociations avec les pays d’Amérique centrale concernant l’immigration clandestine – un dossier dont il avait lui-même eu la charge lorsqu’il était le vice-président de Barack Obama.
Harris doit obtenir une réduction des flux migratoires vers la frontière sud des États-Unis en échange d’un accroissement de l’aide humanitaire et de l’aide au développement économique. C’est ce qui se joue en ce moment avec le Guatemala, où elle se rendra en juin, et qui sera bientôt sur la table avec le Honduras et le Salvador. Elle vise la coopération, le dialogue avec les responsables politiques mais aussi les associations locales de ces trois pays, dont étaient originaires la moitié des immigrés illégaux tenant de franchir la frontière américaine en mars dernier. Comme il fallait s’y attendre, les Républicains la prennent pour cible et l’accusent de laxisme.
Les prérogatives de la vice-présidente ne s’arrêtent pas là en matière de politique étrangère et de leadership américain : Harris est ainsi impliquée dans la gestion multilatérale des grandes crises planétaires – environnementale, sanitaire ou économique – et s’est, à ce titre, déjà entretenue avec plusieurs dirigeants étrangers. Elle va également diriger le Conseil national de l’espace, en se concentrant notamment sur la cybersécurité des actifs des États-Unis dans l’espace, la promotion de l’enseignement des sciences, de l’ingénierie et des mathématiques, les liens entre conquête spatiale et développement durable.
La pandémie a renforcé l’urgence d’appréhender la société à partir d’une perspective tenant compte des questions de genre et d’origine. Le choix, par le nouvel exécutif, d’un agenda programmatique fondé sur les besoins de toutes et de tous va de pair avec une rupture avec le traditionnel entre-soi dans la prise de déci-sion. La vice-présidente des États-Unis donne à voir qu’une femme noire peut s’occuper de tous les sujets au plus haut niveau de responsabilités. La page Trump se tourne aussi de cette façon.