ANALYSES

« Il y aura une nouvelle proposition de ligue fermée »

Presse
28 avril 2021
Interview de Carole Gomez - PS Morbihan
Ce projet de superleague est-il la conséquence inéluctable de l’arrêt Bosman ?

On peut indéniablement la mettre en perspective avec l’arrêt Bosman même s’il me semble, là, qu’il y a un saut assez considérable qui a été réalisé. Cette question de superleague n’est pas nouvelle. Cela fait une vingtaine, une trentaine d’années que l’on en parle. Cela a été annoncé avec le plus de force en 1998 avec une volonté de se tourner vers une ligue privée, une ligue fermée qui permettrait de développer de façon plus importante le football, justement en réaction au séisme qu’avait provoqué l’arrêt Bosman. Et puis c’est quelque chose qui disparaît, puis qui réapparaît au rythme des polémiques, des décisions de l’UEFA de changer ou non son format de coupe. Là, on a eu une temporalité qui était assez intéressante avec la nécessité d’apporter une nouvelle réforme de la ligue des champions qui était voulue depuis un certain nombre d’années et qui était censée être votée au sein du comité exécutif lundi 19  et mardi 20 avril. Le fait d’annoncer la constitution de cette superleague la veille au soir a quelque peu bouleversé le programme et a donc fait passer cette réforme de la champion’s league au second plan, avec toutes les déclarations, tous les communiqués de presse, tout ce qui a pu se passer en coulisse.

Est-ce que cette réforme de la ligue des champions, justement, est l’anti-thèse de la superleague comme certains essayent de la présenter ?

Non et c’est ça qui est intéressant. Il y a eu une vraie levée de boucliers, absolument générale, contre ce projet de superleague : à la fois du milieu sportif, du milieu politique, même au niveau des diffuseurs cela a été pris avec beaucoup, non pas de crainte, mais avec beaucoup de précaution, surtout compte tenu de la réaction très vive de la part des différentes parties prenantes : les clubs, les fédérations, les confédérations, la FIFA, de certains entraîneurs, de certains anciens sportifs, et surtout des fans. On considère que c’est une très bonne chose que cette superleague n’ait pas abouti et on considère presque que la formule actuelle est satisfaisante alors qu’en réalité elle a été dénoncée par le collectif des supporters mais aussi un certain nombre de plumes qui s’expriment régulièrement sur l’évolution du football. Aujourd’hui l’évolution de la ligue des champions et de l’UEFA est un peu dans cette droite lignée. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un certain nombre de supporters s’était vraiment opposé à cette réforme de la champion’s league parce qu’ils considéraient qu’elle s’éloignait trop des racines du football, la manne de l’argent étant trop au cœur de cette réforme, au lieu d’avoir un vrai enjeu sportif. Et en l’espace de quelques jours, ces supporters se sont donc retrouvés à devoir lutter sur deux fronts contre à la fois la réforme de la ligue des champions et le projet de superleague qui, lui, a été une étoile brillante qui s’est évaporée en l’espace de quelques heures.

Alexander Ceferin, qui a succédé à Michel Platini à la présidence de l’UEFA, semble avoir joué un rôle important.  

Ce que je ressens surtout des derniers jours c’est sa capacité à fédérer autour de lui et à avoir une réponse extrêmement rapide et efficace face à la menace que constituait la superleague. C’est d’ailleurs cela qui a provoqué la déflagration énorme que l’on a pu avoir dans le monde du sport. Si ces clubs-là ( les 12)s’étaient contentés de faire leur communiqué assez exubérant, mais en ne donnant pas en même temps d’éléments tangibles sur le calendrier, le nom des clubs, on aurait pu considérer que c’était du bluff. En revanche, ce qui a participé au fait que l’on prenne cette menace au sérieux c’est la vivacité avec laquelle l’UEFA a répondu et Alexander Ceferin était un peu le porte-drapeau de cette réponse.

La superleague est-elle définitivement enterrée ?

Il est intéressant de voir que le Président du Barça explique que la superleague n’est pas du tout enterrée et que c’est une chose qui continue à vivre. Et pour le coup, si l’on se réfère à l’histoire c’est quelque chose qui n’est pas né hier. Ce débat existe depuis un certain nombre d’années au sein du foot européen. Il est sûr, à mon sens, que cette superleague, telle qu’elle est pensée, telle qu’elle est envisagée, est morte née. Il est certain, en revanche, que cela prendra une nouvelle forme dans les prochaines années. Dès qu’il y aura une volonté de changement, une réforme de l’UEFA qui ne convaincra pas ou ne conviendra pas aux grands clubs anglais, italiens, espagnols, on peut être à peu près certains qu’il y ait une nouvelle proposition de réforme avec une ligue fermée. Pas une copie conforme de la superleague évidemment.

Ce qui me semble important de signaler, en revanche, c’est qu’il y a une vraie inconnue : à savoir comment est-ce que ces 12 clubs-là, « les 12 salopards » comme les ont surnommés les journaux britanniques, vont arriver à se réintégrer dans le giron des institutions européennes ? C’est de la realpolitik. On sait très bien que l’UEFA et l’ECA (L’association européenne des clubs) ont besoin de ces clubs-là pour continuer à fonctionner. Il va donc falloir renouer le dialogue très rapidement. Mais la question qui va se poser c’est : quelle va être la nature de ce dialogue ? Et il y a un autre élément qui me semble particulièrement important c’est de savoir comment ces clubs vont arriver à restaurer une confiance qui apparaît rompue avec un certain nombre de supporters qui, notamment en Angleterre, se sont montrés particulièrement virulents à l’égard de ce projet. C’est quelque chose qui va être très intéressant à suivre dans les prochains mois avec le retour des supporters dans les stades.

 





Propos recueillis par Kevin Alleno pour PS Morbihan.




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