14.11.2024
Basaksehir – Paris SG : « Le président turc a plus peur de l’UEFA que de la Commission européenne »
Presse
28 octobre 2020
Les risques auraient été décuplés si le match s’était joué à guichets fermés plutôt qu’à portes closes. L’ambiance et la pression dans les stades turcs sont souvent maximales. Cette fois-ci, je crois donc que tout se passera bien, comme ce fut le cas avec les hooligans russes pendant la Coupe du monde 2018.
Même si la rancune des autorités turques vis-à-vis de la France est vive, tout sera fait pour que la sécurité du Paris Saint-Germain soit parfaitement assurée. Recep Tayyip Erdogan ne voudrait surtout pas, par exemple, que des incidents aient pour conséquence des sanctions contre les clubs turcs en Coupes d’Europe, voire leur exclusion.
D’autant que le club de Basaksehir, repris en 2014 par des proches de l’actuel président de la Turquie et présidé aujourd’hui par son neveu, est vraiment le « Erdogan FC » ?
Le hasard est vraiment malicieux puisqu’on a en effet face-à-face le club d’Erdogan et le club de la capitale française. La situation serait un peu différente si c’était l’OM par exemple qui se déplaçait cette semaine à Istanbul.
Mais le Paris SG, c’est aussi le club du Qatar qui est un pays ami de la Turquie. Doha et Ankara ont des liens très forts, mais ça, le supporter du Basaksehir n’est pas obligé de le savoir… C’est cependant une raison supplémentaire pour que Recep Tayyip Erdogan souhaite que tout se passe bien. Même si le risque zéro, on le sait bien, n’existe pas.
La Turquie a-t-elle coutume de lier enjeux sportifs et enjeux géopolitiques ?
On se souvient que la victoire de Galatasaray, le club turc le plus tourné vers l’Occident, lors de la Coupe de l’UEFA 1999-2000 (victoire en finale face à Arsenal, 0-0, 4-1 aux tirs au but, à Copenhague, DAN, le 17/05/2000), avait constitué un argument pour montrer l’attachement de la Turquie à l’Europe.
Même chose lors du bon parcours de la sélection turque au cours de l’Euro 2008 (élimination 3-2 en demi-finale par l’Allemagne).
Cette même année 2008, le président turc, qui était alors Abdullah Gül (Recep Tayyip Erdogan était Premier ministre), s’est rendu en Arménie pour assister à un match de qualification pour la Coupe du monde 2010 (remporté par la Turquie 2-0, le 06/09/2008). C’était la première visite d’un chef d’État turc en Arménie depuis l’indépendance de cette ancienne république soviétique en 1991 (Turquie et Arménie s’opposent sur le caractère -génocidaire ou non- et sur l’ampleur des massacres d’Arméniens commis entre 1915 et 1917 en Anatolie). Et en accompagnant l’équipe nationale, il évitait toute critique dans son pays.
Les actuelles tensions franco-turques font renaître, sur les réseaux sociaux notamment, des interrogations sur la présence de la Turquie dans les compétitions européennes alors que 97 % du territoire turc est en Asie…
La Turquie est duale, à la fois asiatique et européenne. Comme le Mexique qui appartient à la fois à l’Amérique du Nord et à l’Amérique latine. Comme l’Ukraine, à la fois slave et européenne…
La Turquie est affiliée à l’UEFA depuis près de 60 ans (1962). Avant la Première guerre mondiale, l’empire ottoman était considéré comme « l’homme malade de l’Europe », ce qui signifie bien qu’il était vu comme européen. Israël, qui n’appartient pas géographiquement au continent européen, est aussi rattaché à l’UEFA.
Regrettez-vous que la géopolitique ait ainsi des conséquences sur l’actualité sportive ?
Le sport fait partie de la vie, il n’est pas dans une bulle. Certains répètent que le sport est apolitique, mais cette affirmation ne résiste pas à l’examen. Parfois, les conséquences sont positives, comme lorsqu’un match Arménie-Turquie permet un rapprochement entre deux pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques, parfois c’est négatif. Mais tout va bien se passer pour le Paris SG.