ANALYSES

L’Organisation des Nations unies : 75 ans, pas toutes ses dents…

Presse
26 septembre 2020
Vous êtes médecin. L’ONU vient consulter. Quel bilan de santé faites-vous ?

Personne en fin de vie. Vous essayez de lui prescrire les éventuels médicaments dont elle peut avoir besoin. Vous la conseillez sur les meilleurs moyens d’avoir une fin de vie la plus agréable possible. Mais vous savez que c’est inéluctable. Attention : je parle ici de l’ONU politique, c’est-à-dire l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, qui sont devenus une coquille vide. Du côté de ses agences et de ses programmes, l’ONU reste toujours très active. Pensons à l’UNICEF, au Haut-Commissariat pour les réfugiés, à la Cour pénale internationale, à l’Organisation mondiale de la santé…

En 2020, quel est le poids réel de l’ONU ?

Le poids politique de l’ONU aujourd’hui est quasiment nul. Il n’y a aucune influence du secrétaire général sur la scène mondiale. Depuis 15 ans, aucun n’a pu ou voulu s’impliquer dans une des grandes crises mondiales. Le mandat d’António Gutteres (actuel secrétaire général) est un échec total. On ne l’a pas entendu lorsque Trump a quitté la COP21, l’entente sur le nucléaire iranien, l’OMS… Et puis il y a un désintérêt d’une nouvelle génération de dirigeants, qui n’ont pas connu la Seconde Guerre mondiale et ne voient plus l’intérêt de ce genre d’organisation. Ils trouvent plus d’intérêt à s’exprimer de façon bilatérale ou dans des réunions comme le G20 ou le G8 ou autour d’ensembles régionaux, qui regroupent des États avec des intérêts communs ou similaires.

On parle depuis plusieurs années d’élargir le Conseil de sécurité, en intégrant notamment de nouveaux membres permanents pour mieux refléter notre époque. Cette réforme peut-elle lui donner un nouveau souffle ?

Je pense personnellement qu’il n’y aura pas de second souffle. Mais si vous voulez tenter de le réanimer, oui, ce serait la première chose à faire : intégrer des pays comme l’Inde, le Japon, l’Allemagne, l’Afrique du Sud… Mais ça n’arrivera jamais, pas en tout cas dans les 5, 10 ou 15 prochaines années. La France n’a aucun intérêt à ce que l’Allemagne ait un siège permanent. Le Pakistan s’opposera totalement à ce que l’Inde ait un siège permanent et la Chine mettra son veto. Les pays africains ne parviendront jamais à se mettre d’accord… On n’en sort pas. Les grandes puissances n’ont pas d’intérêt à ce que ça se fasse.

Est-ce que le monde pourrait se passer de l’ONU ?

Malheureusement oui. L’ONU politique va disparaître de plus en plus et être totalement absente d’ici 10-15 ans. Pour qu’une organisation comme celle-ci renaisse, il faut en principe un choc géopolitique majeur, comme des guerres mondiales. La COVID-19 aurait pu permettre une réaction multilatérale. Mais, comme pour l’Union européenne, tout le monde n’en a fait qu’à sa tête. Il n’y a pas eu de sursaut. Donc, je ne vois aucun sursaut pour l’ONU d’ici les prochaines années. Paradoxalement, l’ONU n’a jamais été plus nécessaire.
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