19.11.2024
Caucase : « L’Arménie et l’Azerbaïdjan sont dans une tension permanente depuis 1988 »
Presse
29 septembre 2020
En 1988, la population du Haut-Karabakh, territoire azerbaïdjanais, réclame son indépendance. La population y est majoritairement arménienne et profite d’une URSS en lambeau et sans assise géopolitique forte sur la région pour faire sécession et se rattacher à l’Arménie. L’Azerbaïdjan s’y oppose. Commence alors une guerre entre les deux pays qui va durer six ans, jusqu’à un cessez-le-feu en 1994 après plus de 30.000 morts.
Ce cessez-le-feu est objectivement très inégal et largement en faveur de l’Arménie, qui « confisque » si l’on peut dire 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan dont le Haut-Karabakh, devenu en plus la frontière entre les deux pays. L’Azerbaïdjan n’a jamais toléré cette décision et depuis de nombreuses tensions éclatent régulièrement entre les deux pays. On peut même parler d’une tension permanente entre les deux, le chef d’Etat de l’Azerbaïdjan faisant de la reconquête du Haut-Karabakh un enjeu et une quête nationale, entremêlé de pics explosifs plus fort, comme c’est le cas actuellement.
Généralement, la Russie se charge de jouer les gendarmes entre les deux et de tempérer les ardeurs. En 2016, des conflits avaient éclaté pendant quatre jours avant que la Russie n’intervienne. Moscou a des intérêts dans les deux pays et cherche donc à avoir un rôle neutre et pacificateur au possible.
Que s’est-il passé ces derniers temps ?
Il est difficile de savoir quel pays a vraiment lancé les hostilités. Quoi qu’il en soit, ce dimanche, les troupes de l’Azerbaïdjan sont entrées dans le Haut-Karabakh, s’opposant aux troupes arméniennes. L’Arménie a alors déclaré la loi martiale et lancé la mobilisation de tout homme en état de combattre. Cela fait quelques mois qu’on pouvait constater un excès de tension, mais il est difficile de déterminer un déclencheur : comme précédemment dit, les deux nations sont en conflit permanent, et n’ont pas vraiment besoin de motif pour passer aux hostilités, tant la situation actuelle ne convient pas.
Chaque pays est convaincu d’être dans son bon droit international. D’un côté, l’autodétermination des peuples penche clairement pour l’Arménie et en même temps, le principe de l’intégrité territoriale va dans le sens de l’Azerbaïdjan, qui devrait récupérer les territoires perdus en 1994.
Quel est le rapport de force entre les deux pays ?
Il y a un vrai déséquilibre des forces. L’Azerbaïdjan est pays riche avec une armée très bien équipée et possède une population – donc une potentielle armée – bien plus nombreuse. L’avantage des Arméniens, c’est que le pays abrite une base russe et qu’ils font partie de l’organisation du traité de sécurité collective avec la Russie, qui si elle n’aime pas prendre parti entre les deux pays, a juré de protéger le territoire arménien et tient à sa base militaire. Pour l’instant, la Russie botte en touche et appelle à un cessez-le-feu, sans prendre vraiment le camp de l’Arménie.
Mais l’Azerbaïdjan a aussi un allié de poids, la Turquie, qui a, elle, clairement pris parti pour ce pays et le soutient tant militairement que diplomatiquement. Généralement, en cas de désaccord géopolitique majeur entre la Russie et la Turquie, les deux pays communiquent et finissent toujours par trouver un accord. On peut donc être certain qu’en ce moment même, Turques et Russes doivent parler intensément.
Ce conflit devrait donc trouver une issue diplomatique ?
Arménie comme Azerbaïdjan écouteront toujours ce que disent les Russes – et désormais la Turquie. A voir à quel point les deux puissances voudront arbitrer. Mais la Russie n’a aucun intérêt à voir la situation s’enflammer entre deux – trois même avec la Turquie – alliés, dans une région stratégique pour elle.
Ce qui est certain, c’est que si on aboutit à un énième statu quo de 1994, cela ne réglera rien, les deux pays seront toujours en tension permanente et des conflits de ce genre continueront à réapparaître.