17.12.2024
Multilatéralisme à la sauce Trump en Amérique latine : mise au pas de la Commission interaméricaine des droits de l’homme
Tribune
24 septembre 2020
Et de trois ! Après l’OEA (Organisation des États américains) et la BID (Banque interaméricaine de Développement), la CIDH (Commission interaméricaine des Droits de l’Homme) est rentrée dans le rang « trumpiste ».
Le 15 août dernier, Luis Almagro, Secrétaire général de l’OEA a fait savoir par lettre adressée à la CIDH, qu’il ne signerait pas le document validant le renouvellement de son responsable, le brésilien Paulo Abrão. Celui-ci avait en effet au mois de janvier été confirmé pour quatre ans, mandat prenant effet à la fin de son contrat en cours le 15 août 2020.
Paulo Abrão, ancien secrétaire général du ministère de la Justice brésilien, mais aussi ex-secrétaire général de l’Institut des politiques publiques des droits de l’homme du Mercosur, avait pris ses fonctions le 16 août 2016. Sa gestion n’avait pas soulevé plus que celle de ses prédécesseurs applaudissements ou critiques. Le 9 janvier 2020, à Mexico, il avait sans difficulté été reconduit pour quatre années. Pourtant contrairement à la pratique traditionnelle laissant à cette institution la responsabilité de désigner qui bon lui semble pour la première fois de son histoire, ce choix a été suspendu par le Secrétaire général de l’OEA, sept mois plus tard.
Les arguments mis en avant pour justifier une décision extraordinaire sont d’ordre administratif. Paulo Abrão aurait fait régner un climat de harcèlement des personnels inadmissible à l’origine de soixante et une plaintes devant la médiatrice de l’organisation, Neida Pérez. Plaintes rendues publiques par l’intéressée, le 10 août, cinq jours avant la fin du mandat du Brésilien.
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Plusieurs gouvernements latino-américains, à caractère libéral-conservateur, issus des alternances de ces dernières années avaient signalé publiquement en avril 2019 leurs désaccords avec la ligne suivie par la CIDH, jugée trop intrusive, et non respectueuse de la souveraineté juridique des États membres. L’Argentine de Mauricio Macri, le Brésil de Jair Bolsonaro, le Chili de Sebastian Piñera, la Colombie d’Ivan Duque, le Paraguay de Mario Abdo. Tous pays amis de Donald Trump. Tous gouvernements ayant permis le 14 mars 2020 la réélection de Luis Almagro à la tête de l’OEA et en septembre, celle de Mauricio Claver-Carone à la présidence de la BID. Luis Almagro, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Uruguay, a, dès sa première prise de fonction, aligné l’OEA sur les desiderata de Washington. Les contentieux bolivien, cubain, nicaraguayen, vénézuélien ont ainsi été abordés dans un esprit partisan et non de compromis, et d’apaisement. La BID est désormais dirigée par l’ex-Conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump qui a mis en forme la politique agressive à l’égard de Cuba et du Venezuela du nouveau président des États-Unis. Un profil clivant, éloigné de ce que l’on attend d’un responsable d’organisation intergouvernementale.
Le moment de ces OPA diplomatiques croise la campagne présidentielle des États-Unis. Il donne un éclairage au sens qu’entend donner Donald Trump au multilatéralisme. On peut ajouter à ce panier les termes de la renégociation de l’accord de libre-échange nord-américain (ou T-Mec), concédés à Donald Trump, par le Canadien Justin Trudeau et le Mexicain Andres Manuel Lopez Obrador. Donald Trump n’est pas un fondamentaliste du bilatéralisme. Il pratique le multilatéralisme ces derniers temps en Amérique latine. Sous réserve que ses partenaires acceptent un logiciel écrit à Washington. Modèle, on le voit en ce moment, défendu tout autant sur le dossier iranien. L’ONU, l’accord à six sur l’Iran, pourquoi pas, si cette institution et ce groupe, répondent à un fil conducteur activé par la Maison-Blanche et le Département d’Etat.